Les deux diplomates canadiens enlevés en décembre au Niger ont été libérés hier dans le nord du Mali. Après quatre mois en captivité, Robert Fowler et Louis Guay ont été libérés grâce à un accord conclu entre le gouvernement malien et la branche nord-africaine du réseau terroriste Al-Qaeda.

Deux touristes européennes enlevées en janvier, une Suissesse et une Allemande septuagénaire, ont aussi retrouvé leur liberté. Mais leurs compagnons de voyage, un Britannique et un Suisse, sont toujours détenus par les kidnappeurs.

 

À Ottawa, le premier ministre Stephen Harper a convoqué les médias en toute hâte, en soirée hier, pour annoncer que le président du Mali lui avait confirmé la libération des deux ressortissants canadiens. Il a remercié les gouvernements du Mali et du Burkina Faso, qui ont orchestré la libération des otages, mais a refusé de dire s'il y avait eu échange de prisonniers ou rançon versée entre les pays africains et les ravisseurs.

«La position du Canada est claire. Le gouvernement du Canada ne paie pas de rançon dans ces cas-là et nous n'échangeons pas de prisonniers, a dit M. Harper. Ce qui a été fait par les autres gouvernements, vous aurez à leur demander.»

«Une libération négociée des otages était dans ce cas-ci préférable à toutes les autres options possibles», s'est-il contenté d'ajouter.

Selon l'Agence France-Presse (AFP), l'opération a commencé lundi. Des témoins ont raconté avoir vu des voitures aux plaques d'immatriculation diplomatiques s'enfoncer dans le désert. C'est dans cette région difficilement contrôlable que les otages ont été détenus pendant de longs mois.

Les quatre ex-otages sont arrivés hier en fin d'après-midi à Gao, dans le nord du pays. Ils n'ont pas de problèmes majeurs de santé, mais selon l'AFP, deux d'entre eux supportent très mal la canicule qui sévit dans la région; le mercure y dépasse parfois 40 degrés.

En fin de soirée hier, les diplomates étaient toujours sous la protection des autorités maliennes, a indiqué le premier ministre, et devaient être transférés sous peu aux représentants du Canada.

M. Fowler et M. Guay avaient été enlevés le 14 décembre dans l'ouest du Niger. Ils retournaient à la capitale, Niamey, après avoir visité une mine d'or exploitée par une entreprise canadienne. Leur voiture avait été retrouvée abandonnée, portières ouvertes et moteur en marche.

L'été dernier, M. Fowler a été nommé envoyé spécial de l'ONU au Niger. Il devait aider le pays à faire la paix avec les rebelles touaregs du nord du pays, qui exigent une plus grande part des revenus de forage de l'uranium sur leurs terres ancestrales.

Ce sont d'ailleurs des rebelles touaregs qui ont d'abord revendiqué l'enlèvement des deux diplomates, avant de se rétracter. Des agences de renseignements pensent que les rebelles ont échangé les otages au groupe Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQMI), qui a ensuite revendiqué l'enlèvement à son tour. En échange des otages occidentaux, AQMI avait exigé la libération d'islamistes arrêtés dans la région, ainsi qu'en Europe. On ignore pour l'instant si ces demandes ont été respectées.

Alors que la nouvelle de la libération était diffusée au compte-gouttes par les agences de presse pendant la journée, le député libéral Dominic LeBlanc, dont le père est marié à la soeur de M. Fowler, était le seul à Ottawa à fournir un peu d'informations.

«Évidemment, la famille est très, très encouragée par les nouvelles, a dit M. LeBlanc. Pour ma famille, pour la famille Fowler, depuis le 14 décembre, c'était des moments très difficiles. Le fait qu'il ait été enlevé à peine 10 jours avant Noël a fait en sorte que c'était une période très difficile. Chaque fois que le téléphone sonnait chez la famille Fowler, on espérait avoir des bonnes nouvelles.»

Le père de Dominic LeBlanc, l'ancien gouverneur général du Canada, Roméo LeBlanc, est marié à Diana Fowler, la soeur du diplomate canadien.

Le député libéral a dit espérer maintenant que la femme de M. Fowler, Mary, ainsi que les quatre enfants de la famille, puissent se rendre bientôt en Europe retrouver un mari et un père.

Robert Fowler, 64 ans, a été ambassadeur du Canada aux Nations unies de 1995 à 2000 et conseiller de plusieurs premiers ministres canadiens, dont Trudeau, Turner et Mulroney.

«Ah! C'est extraordinaire», s'est exclamé Harry Swain, ancien collègue de M. Fowler, apprenant la nouvelle à l'issue de son témoignage à la commission Oliphant, chargée de faire la lumière sur les transactions financières entre M. Schreiber et l'ancien premier ministre Brian Mulroney.

Aujourd'hui à la retraite, M. Swain a longtemps occupé le poste de sous-ministre de l'Industrie, alors que M. Fowler était sous-ministre de la Défense. À l'époque, l'un des dossiers dont ils ont dû s'occuper ensemble était celui de l'usine de véhicules blindés Bear Head, que l'homme d'affaires Karlheinz Schreiber tentait de promouvoir auprès des politiciens canadiens. M. Fowler pourrait donc être appelé à témoigner devant la commission.

Avec Hugo De Grandpré