Les Canadiens croient que le gouvernement Harper fait fausse route en refusant d'intercéder en faveur de Canadiens condamnés à la peine de mort dans un autre pays démocratique.

Un sondage exclusif réalisé par la firme Nanos pour le compte de La Presse et du Toronto Star révèle en effet que 61% des Canadiens sont «d'accord» ou «plutôt d'accord» avec l'idée que le gouvernement du Canada a le devoir d'aider les Canadiens condamnés à mort dans un pays démocratique afin qu'ils purgent leur peine dans une prison canadienne.

Seulement 34% des répondants estiment au contraire que les autorités canadiennes ne doivent pas lever le petit doigt en faveur de ces individus.

Politique modifiée en 2007

Sans tambour ni trompette, en 2007, le gouvernement Harper a modifié la politique canadienne quant aux Canadiens qui se retrouvent dans une telle situation. Le ministre de la Sécurité publique de l'époque, Stockwell Day, aujourd'hui titulaire du Commerce international, avait alors indiqué que le Canada n'avait plus l'intention d'intercéder pour les condamnés à mort dans des pays démocratiques, en particulier les États-Unis, s'ils ont fait l'objet d'un procès équitable.

M. Day avait annoncé cette nouvelle politique en répondant à des questions d'un journaliste qui voulait savoir si Ottawa comptait intervenir pour obtenir la clémence du condamné à mort Ronald Allen Smith, emprisonné au Montana depuis près de 26 ans. Smith, originaire de Red Deer, en Alberta, a été reconnu coupable en 1983 des meurtres de deux cousins, l'année précédente. Il croupit dans le couloir de la mort depuis. Avant l'arrivée des conservateurs au pouvoir, le gouvernement canadien avait appuyé les efforts de Smith pour éviter d'être exécuté. Le dernier espoir du condamné est de convaincre le gouverneur démocrate du Montana, Brian Schweitzer, de commuer sa peine ; mais ce dernier est favorable à la peine de mort.

Le mois dernier, un juge de la Cour fédérale a ordonné au gouvernement Harper de reprendre les efforts en faveur de Smith. Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, n'a pas encore indiqué s'il comptait interjeter appel de cette décision.

Selon Nik Nanos, le président de la firme Nanos, il appert que les Canadiens souhaitent toujours que le gouvernement Harper intervienne en faveur des condamnés à mort, qu'ils soient jugés dans des pays démocratiques ou non.

«Les Canadiens souhaitent toujours voir leur gouvernement intervenir dans des cas où des compatriotes sont condamnés à mort dans un autre pays. La décision de ne plus intercéder en faveur de Ronald Smith peut être bien accueillie par les militants conservateurs et les électeurs dans les provinces de l'Ouest, mais ce n'est pas le cas à l'extérieur de cette région», estime Nik Nanos.

En effet, si une majorité de Canadiens préfèrent nettement la clémence à la peine de mort dans de telles situations, les Québécois sont encore plus nombreux (73%) à exiger que le Canada intervienne pour sauver la vie d'un condamné à mort.

Perception négative

«Le problème pour les conservateurs de Stephen Harper est que leur politique actuelle a pour effet de renforcer les perceptions négatives à leur endroit dans certaines régions du pays. Et cela risque d'handicaper grandement leur potentiel de croissance à l'avenir», a dit M. Nanos.

Ce sondage a été réalisé du 13 au 18 mars auprès de 1002 Canadiens. La marge d'erreur est de 3,1%, 19 fois sur 20.