Le Canada n'envoie pas des soldats risquer leur vie et ne dépense pas des milliards de dollars en Afghanistan pour que des hommes puissent y violer leur épouse, affirment avec colère des politiciens conservateurs et de l'opposition.

Un controversé projet de loi afghan interdisant aux femmes de la minorité chiite de refuser des rapports sexuels à leur mari suscite de plus en plus d'indignation au Canada et à l'étranger. La loi interdirait également aux femmes chiites de sortir de chez elles sans la permission de leur mari et d'avoir la garde d'enfants.

Le gouvernement canadien consacre 5 millions $ à un projet distinct de réforme du droit familial afghan et a été pris de court par cette controverse.

Le premier ministre Stephen Harper s'est dit profondément troublé par cette mesure, qui va à l'encontre de ce que la communauté internationale souhaite accomplir en Afghanistan, a-t-il déclaré au réseau CBC à Londres, où il participe au sommet du G-20.

Le Canada a perdu 116 soldats depuis le début de la mission en Afghanistan et a dépensé quelque 10 milliards $ pour appuyer le gouvernement du président Hamid Karzaï. Plusieurs membres du cabinet Harper ont exprimé une indignation similaire, tout comme des élus de l'opposition et la famille d'un militaire tué en Afghanistan.

«Mon fils a perdu la vie pour ces causes», a rappelé Jim Davis, de Nouvelle-Ecosse. Que le gouvernement Karzaï fasse adopter une telle loi est insultant, a ajouté M. Davis, dont le fils, le caporal Paul Davis, a péri en 2006. Il croit cependant que le Canada doit continuer à travailler à moderniser le pays.

Le ministre de la Défense, Peter MacKay, a indiqué qu'il profiterait du sommet de l'OTAN, cette semaine, pour mettre de la pression sur ses homologues afghans et leur demander d'abandonner ce projet de loi, qu'il a qualifié d'inacceptable.

Certains accusent le président afghan Karzaï d'avoir approuvé le projet de loi avant la tenue d'élections générales dans son pays, dans l'espoir d'obtenir les votes des hommes chiites conservateurs. Mais la loi demeure enveloppée de mystère: elle n'a pas été rendue publique, au bureau du président Karzaï on refuse de la commenter, et ce qu'on en connaît a été dévoilé par les parlementaires afghans qui s'y opposent.

La constitution afghane de 2004 permet aux chiites d'avoir leur propre loi en matière familiale, mais son article 22 garantit aussi des droits égaux aux femmes.

Le sujet a fait de l'ombre à la conférence internationale qui a eu lieu en Europe sur l'avenir de l'Afghanistan. La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton aurait pris M. Karzaï à partie à ce sujet au sommet de 80 pays sur l'Afghanistan à La Haye.

Le leader libéral canadien Michael Ignatieff a indiqué que le Canada doit exprimer son indignation au nom des femmes afghanes. Ceci dit, la controverse ne rend pas la mission afghane moins juste, et ne remet pas en question ce que nos troupes font en Afghanistan, a-t-il ajouté.