Censure, attaque à la liberté d'expression, atteinte aux droits civils: militants et députés de l'opposition ont dénoncé, hier, la décision du ministre de l'Immigration, Jason Kenney, de refuser de permettre au controversé député britannique George Galloway d'entrer au pays. Les avocats canadiens de M. Galloway tenteront maintenant de s'adresser aux tribunaux pour faire renverser la décision de l'Agence des services frontaliers du Canada.

«M. Galloway a été élu à cinq reprises, il n'a pas de dossier criminel et ses positions, qu'on les accepte ou non, sont partagées par plusieurs», a soutenu James Clark, de la coalition torontoise Stop the war.

 

Diverses organisations militantes, dont le groupe Palestiniens et Juifs unis, étaient à Ottawa hier pour dénoncer cette «atteinte à la liberté d'expression».

Unique député du parti de gauche RESPECT au parlement britannique, M. Galloway devait prononcer des discours dans plusieurs villes canadiennes, dont Toronto et Montréal, entre le 30 mars et le 2 avril.

La semaine dernière, l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a rendu une décision préliminaire lui refusant l'entrée au pays, justifiée par la participation du député au financement du Hamas, une organisation considérée comme terroriste. Le ministre Kenney a refusé de renverser cette décision.

M. Galloway est connu pour avoir pris des positions controversées, propalestiniennes notamment. Il est actuellement en tournée aux États-Unis.

«Je ne vois pas comment il ferait plus de tort au Canada qu'aux États-Unis, a lancé le critique du Bloc québécois en matière de justice, Serge Ménard. On n'a pas à être d'accord avec ses idées. Mais on peut écouter son opinion. Le ministre doit changer sa décision.»

Le chef bloquiste, Gilles Duceppe, a accusé le gouvernement conservateur de vouloir «censurer» M. Galloway. «Ça va à l'encontre des libertés de parole et d'opinion. Ça correspond à cette idéologie bornée, réactionnaire, dépassée, réformiste», a-t-il dit.

Au NPD, la députée Olivia Chow, critique en immigration, a jugé que le gouvernement conservateur de Stephen Harper allait créer un «dangereux précédent» en refusant à M. Galloway le droit d'entrer au pays.

«Si c'était seulement ses mots, sa manifestation publique de sympathie à l'égard de causes odieuses, ce serait une chose, mais c'est vraiment de franchir la limite que d'apporter un soutien financier à un groupe qui est banni par le gouvernement canadien», a expliqué hier le porte-parole du ministre Kenney, Alykhan Velshi.

La loi, ajoute-t-il, ne fait pas de distinction entre la branche caritative du Hamas, à laquelle M. Galloway clame avoir offert du financement, et la branche armée, considérée comme terroriste. «L'argent est transférable. Les agents à la frontière ne font qu'appliquer la loi», a-t-il dit. M. Velshi assure que le ministre Kenney n'est aucunement intervenu dans la décision de l'ASFC.

Si M. Galloway décide de se présenter tout de même à la frontière, c'est le douanier qui devra trancher, à la lumière de la décision préliminaire et des nouvelles preuves ou informations que lui soumettra le député britannique. Le ministre Kenney se pliera à la décision de l'agent à la frontière, a assuré M. Velshi. «Le ministre n'a pas l'autorité d'empêcher la venue de M. Galloway, il a seulement l'autorité de le laisser passer contre l'avis de l'Agence», a conclu le porte-parole.