Le gouvernement Harper entend changer la pratique selon laquelle le temps passé en détention avant le prononcé de la sentence compte pour le double.

Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a annoncé mercredi midi qu'il présenterait un projet de loi vendredi, qui forcerait les criminels à passer plus de temps en prison. M. Nicholson n'a pas encore précisé si le temps passé en détention préventive compterait pour du temps simple ou s'il appliquerait une autre formule.

Il a cependant indiqué qu'il espérait avoir l'appui de tous les partis pour passer le projet de loi en une seule journée.

«J'espère que ce projet de loi sera adopté en une journée à la Chambre des communes. Les autres partis ont réalisé les défis posés par le crime dans ce pays. S'ils y croient vraiment, il ne devrait pas y avoir de problème à passer ce projet de loi en une journée», a déclaré M. Nicholson.

Le gouvernement du Québec réclame depuis plusieurs années que le fédéral apporte des modifications en ce sens, et que le temps passé en détention préventive ne compte que pour du temps simple.

Le Bloc québécois a bien accueilli les changements proposés et il compte les appuyer. «C'est quelque chose que l'on demande depuis 2007», a déclaré le porte-parole bloquiste en matière de justice, Réal Ménard.

M. Ménard s'est toutefois dit inconfortable avec la demande du ministre, qui voudrait faire adopter le projet de loi de manière expresse. «Je vais vous rappeler un proverbe allemand qui dit que la vitesse est l'ennemie de l'intelligence», a-t-il dit.

Il a référé la question au bureau du whip de son parti, mais a tout de même signalé sa préférence pour une étude plus exhaustive du projet de loi, avec les témoignages d'usage en comité parlementaire.

Mauvaise cible

Le nombre de détentions préventives a augmenté de manière constante au cours des 10 dernières années, selon Statistique Canada. Depuis 1996-1997, elles ont augmenté de 22%.

Selon la professeure de droit criminel à l'Université d'Ottawa, Marie-Ève Sylvestre, il aurait été préférable de revoir les critères de ces détentions et la durée des procédures judiciaires, plutôt de s'attarder à la pratique du temps compte double.

Elle a rappelé que la prise en considération du temps passé en détention préventive était une pratique jurisprudentielle qui s'est développée pour tenir compte du fait que le prévenu est toujours considéré comme innocent au moment où il est détenu, et que ses conditions sont alors beaucoup plus sévères. Il n'a par exemple pas accès aux différents programmes offerts aux détenus réguliers, comme la possibilité de poursuivre ses études.

«On met de plus en plus de gens en détention préventive et on les garde là de plus en plus longtemps, a-t-elle noté.

«Est-ce que, si on n'en tient plus du tout compte, est-ce que la société est prête à assumer les coûts que ça peut représenter ensuite de garder ces gens-là en prison plus longtemps?»

Le ministre Nicholson est pour sa part d'avis que les changements recevront l'appui d'une bonne partie de la population, des provinces et des groupes de victimes.