Malgré une recrudescence de la violence et des attaques d'insurgés en Afghanistan, le Canada a pu réaliser des progrès dans les objectifs ciblés qu'il s'était fixés, a assuré hier le ministre du Commerce international, Stockwell Day.

Le gouvernement conservateur a rendu public, hier, le plus récent rapport trimestriel de l'engagement canadien en Afghanistan, qui témoigne d'une dégradation de la sécurité sur le terrain.

 

«Les violences se sont intensifiées», le climat d'insécurité s'est «accentué», les assassinats se sont «multipliés» et la province de Kandahar, sous contrôle canadien, a été fortement touchée par des attaques d'insurgés, stipule le rapport, qui fait état des progrès réalisés d'octobre à décembre 2008. Il s'agit en fait de «l'automne le plus meurtrier depuis la chute du régime taliban en 2001», note le document.

Mais le président du comité ministériel sur l'Afghanistan, M. Day, a voulu se faire rassurant. «On est transparents, on note une augmentation des attaques, a dit le ministre. Mais malgré cela, nous avons fait des progrès dans une foule de secteurs. Tu peux avoir une augmentation de la violence tout en ayant de plus en plus de progrès.»

Par exemple, a-t-il dit, le Canada a terminé, à l'automne, la rénovation d'une école et entrepris la construction de huit autres, sur les 50 qui doivent être remises en état d'ici 2011.

Mais les attaques de plus en plus nombreuses d'insurgés freinent le développement, souligne le rapport. Selon M. Day, le déploiement de troupes supplémentaires américaines contribuera à assurer davantage de sécurité en Afghanistan.

Sur le plan politique, le processus de «réconciliation nationale», une des six priorités du gouvernement canadien, semble aussi mal parti.

«Face à la détérioration de la sécurité, il serait illusoire d'attendre des rebelles qu'ils soient nombreux à abandonner les combats, et du gouvernement qu'il amorce des négociations digne de ce nom», indique le rapport.

La publication de cet état de la situation survient alors que le bilan des pertes s'alourdit pour les militaires canadiens en Afghanistan, à la veille du déploiement de 1640 soldats québécois sur le terrain.

Morts

L'annonce de la mort de trois soldats canadiens mardi a relancé le débat, hier, à la Chambre des communes, quelques jours après que le premier ministre Stephen Harper eut affirmé en entrevue à CNN qu'il ne croyait plus en une victoire militaire.

Le chef du gouvernement, les ministres et les députés, ainsi que la gouverneure générale Michaëlle Jean, ont tous offert leurs condoléances aux familles touchées par ces pertes de vies.

Pour le ministre québécois Jean-Pierre Blackburn, ce triste incident vient appuyer les déclarations du premier ministre Harper à CNN.

«Ça nous montre la pertinence des propos de notre premier ministre. Un jour, il faut que le peuple afghan en vienne à assurer sa propre sécurité sur son territoire», a dit M. Blackburn.

L'opposition libérale réclame maintenant du gouvernement un plan stratégique pour la suite des choses et craint que le gouvernement conservateur n'attende en réalité que l'administration américaine de Barack Obama définisse la marche à suivre en Afghanistan.

«Ce que je ne veux pas, c'est que la stratégie du Canada en Afghanistan soit définie par les autorités américaines, par M. Holbrook (Richard), par M. Obama, a souligné le chef libéral, Michael Ignatieff. J'ai le plus grand respect du monde pour nos alliés, mais c'est à nous de définir notre stratégie.»

La solution, selon M. Ignatieff, passe par la nomination d'un représentant spécial canadien pour l'Afghanistan, à l'instar de la France et des États-Unis qui en ont nommé récemment.

«Nous voulons un envoyé spécial avec la capacité et l'autorité nécessaires de jouer un rôle crucial dans l'élaboration d'une stratégie pour le Canada», a dit le chef libéral.

Torture

Les députés bloquistes ont par ailleurs vivement réagi à un rapport du département d'État américain, daté du 25 février et cité hier par le quotidien Le Devoir, qui indique que la torture a toujours cours dans les prisons afghanes.

Le Bloc québécois a réclamé, en Chambre, que le Canada cesse le transfert des prisonniers aux autorités afghanes pour éviter le risque que ces derniers ne soient torturés.

Devant la fin de non-recevoir du premier ministre, qui a déploré qu'une telle question soit soulevée en ce jour de deuil, le chef du Bloc a accusé M. Harper de se cacher derrière une tragédie pour éviter de répondre aux questions.

«Le premier ministre utilise la mort de soldats à des fins bassement politiques. C'est proprement ignoble», a dit Gilles Duceppe en chambre.

Les libéraux ont pour leur part exhorté le gouvernement conservateur à démontrer hors de tout doute qu'il respectait la convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre.

Le ministère des Affaires étrangères a indiqué en fin de soirée que depuis décembre 2007, il n'y avait eu aucune allégation de torture de prisonniers transférés aux autorités afghanes par les militaires canadiens.

 

35 millions pour les élections

Le Canada participera à l'effort international visant à assurer la tenue d'élections en Afghanistan dans l'ordre et la sécurité. La ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, a annoncé une contribution «qui pourrait atteindre 35 millions d'ici 2011» pour les différents processus électoraux dans les deux prochaines années. L'élection présidentielle, qui a été confirmée pour le 20 août 2009, hier, par la Commission électorale indépendante du pays, nécessitera à elle seule un financement international estimé à 260 millions de dollars. L'argent d'Ottawa devrait servir notamment au recrutement et à la formation du personnel électoral, au transport du matériel électoral et à la vérification des résultats.