Des organismes canadiens et mexicains de défense des droits désapprouvent l'arrivée du nouvel ambassadeur mexicain au Canada.

Francisco Barrio Terrazas arrive en effet à Ottawa avec un lourd bagage.

Ancien gouverneur de l'Etat de Chihuahua à l'époque où des centaines de femmes ont été violées et assassinées dans la ville ouvrière de Juarez, il a longtemps refusé de demander une enquête, alléguant que ces attaques n'étaient pas surprenantes compte tenu que ces victimes s'étaient baladées la nuit, en des lieux sombres et dans une tenue provocante.

La commission nationale des droits humains du Mexique avait critiqué l'administration sous Barrio Terrezas, affirmant que ce dernier avait mal géré l'enquête de Chihuahua et lui avait reproché son attitude à l'égard des femmes et des familles impliquées. Une autre enquête fédérale avait critiqué le manque d'entraînement et de ressources déployées lors de cette enquête.

La Fédération des femmes du Québec (FFQ) a fait part de ses inquiétudes à propos de M. Barrio Terrezas en écrivant au premier ministre Stephen Harper.

«Nous demandons que le gouvernement du Canada rappelle au gouvernement du Mexique les engagements internationaux et nationaux contractés en matière de droits des femmes et qu'il consente les ressources adéquates pour prévenir et contrer véritablement tous les actes de violence perpétrés à l'encontre des femmes», a écrit la FFQ.

«Le passé de M. Barrio ne nous donne aucune garantie que, comme représentant du Mexique, il sera sensible à cette question, bien au contraire», a poursuivi la lettre.

La principale association de défense des droits de Juarez avait également critiqué la nomination de l'ancien ambassadeur mexicain. Dans un communiqué, l'association écrivait: «nous ne pouvons pas accepter que le Canada, un pays modèle dont la culture est fondée sur le respect des droits humains et sur la primauté du droit, puisse endosser une personne qui a toléré le meurtre et le viol de femmes et de jeunes filles».

La gouverneure générale, Michaëlle Jean, a reçu les lettres de créance de l'ambassadeur au cours d'une cérémonie protocolaire, jeudi.

Elle a fait référence dans un bref discours à l'engagement mutuel entre le Canada et le Mexique dans la promotion des valeurs de la dignité humaine et de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Le nouvel ambassadeur n'était pas disponible jeudi pour une entrevue.

Une porte-parole du bureau du premier ministre, Karine Ledoux, a affirmé que le Canada avait accepté la nomination de Barrio Terrazas par le président Felipe Calderon. Depuis deux ans, Stephen Harper a bâti une relation solide avec le président mexicain.

«Le président mexicain, Felipe Calderon, a mis en place des réformes du système judiciaire et des institutions des droits humains et nous applaudissons le Mexique pour ses progrès dans ces domaines», a affirmé Mme Ledoux.

Elu pour la première fois en 1992, Barrio Terrezas a plusieurs fois été en charge de dossiers liés à la corruption, notamment sous le précédent président, Vicente Fox.

Selon le professeur à l'Université du Texas à El Paso, Tony Payan, c'est sous l'administration Fox que les cartels de la drogue ont pénétré «à des niveaux sans précédents» la police fédérale et l'appareil de sécurité du pays.

M. Terrezas avait récemment affirmé à un journaliste qu'une des raisons qui motivait sa venue au Canada était la pauvre situation sécuritaire de l'État dont il était originaire.