En ratifiant un accord de libre-échange avec la Colombie, le Canada deviendrait complice d'un gouvernement corrompu, qui fait fi des droits de l'homme et menace la société civile, soutient une coalition colombienne de groupes sociaux, venue à Ottawa pour dénoncer le traité économique entre les deux pays.

«Ce n'est pas qu'on pense que c'est mauvais. Nous ne sommes pas contre le commerce, dépendamment de comment c'est fait, évidemment. Mais en ce moment, il y a énormément de problèmes à régler AVANT d'implanter un accord de libre-échange», explique Omar Fernández Obregón, de la Coalition des organisations et mouvements sociaux de la Colombie (COMOSOC), en entrevue à La Presse. Membres du gouvernement soupçonnés de corruption, expropriations, privatisations sauvages, mises à pied massives de travailleurs syndiqués, système de santé déficient, voire inexistant, droits des autochtones bafoués, manifestants brutalisés : la liste des récriminations est longue pour ces représentants d'une société civile qui peine à se faire entendre en Colombie.

Yolanda Becerra Vega, qui dirige une importante organisation de défense des droits des femmes, a elle-même été victime de menaces pour avoir milité en faveur du respect des droits de l'homme. Elle et sa famille ont dû déménager dans une autre ville de Colombie, de peur de représailles. «Tous les leaders d'organisations sociales sont persécutés, certains sont assassinés. En Colombie, si tu as une opinion différente, c'est la mort assurée», soutient-elle.

En 2007 et 2008 seulement, plus de 80 leaders syndicaux auraient été assassinés, selon les chiffres de la coalition.

La mise en oeuvre de traités économiques favorisant le commerce avec le Canada ne ferait qu'aggraver le déficit démocratique, selon les intervenants sociaux.

L'accord de libre-échange avec la République de Colombie a été signé en novembre 2008, par le ministre du Commerce international, Stockwell Day, en même temps que des ententes en matière de travail et d'environnement.

Les traités doivent maintenant entamer les processus respectifs de ratification des deux pays. Au Canada, l'accord devra être déposé sous peu à la Chambre des communes pour son étude détaillée.

La coalition appuie la recommandation du Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes, qui, en juin dernier, exhortait le gouvernement à mandater un organisme indépendant pour mener une étude d'impacts sur les droits de l'homme, avant que ne soit signé et ratifié l'accord.

Les délégués de la coalition rencontreront mardi et mercredi des députés des partis de l'opposition, mais aussi le ministre d'État aux Affaires étrangères, responsable des Amériques, Peter Kent.