Les coupes dans les programmes culturels n'ont pas fini de hanter le gouvernement Harper. Le comité parlementaire du Patrimoine a décidé d'étudier ce dossier en profondeur, hier, après que le ministre du Patrimoine, James Moore, ait refusé catégoriquement de fournir les analyses justifiant les coupes de 45 millions de dollars faites l'été dernier.

Malgré l'opposition de tous les députés conser vat eu rs membres du comité, trois jours ont été réservés pour que des audiences aient lieu à la fin du mois de février, soit les 23, 25 février ainsi que le 2 mars.

 

De même, deux listes contenant plus de 60 témoins ont été suggérées par le Bloc québécois et le Parti libéral. Les deux formations veulent appeler à la table des témoins la plupart des groupes et individus qui se sont vivement opposés à ces décisions du gouvernement, dont Culture Montréal, l'Union des ar tistes , la Conférence canadienne des arts, l'écrivain Margaret Atwood et l'homme de théâtre Wajdi Mouawad. Le Bloc québécois, qui a suggéré un peu moins de 50 témoins, espère aussi entendre l'ancienne ministre du Patrimoine, Josée Verner.

Une liste définitive devrait être dressée d'ici quelques jours. Mais on peut d'ores et déjà s'attendre à des réunions explosives: selon plusieurs observateurs de la scène politique fédérale, le dossier des coupes en culture a été déterminant dans l'échec du Parti conservateur d'obtenir une majorité aux dernières élect ions . Et tout indique que le gouvernement Harper n'a pas réussi à se réconcilier avec ceux qui ont activement fait campagne contre lui l'automne dernier. Les fonds fédéraux alloués aux arts et à la culture dans le tout récent budget ont continué à faire grincer des dents l'industrie culturelle. Plusieurs réclament que les fonds qui ont été supprimés dans des programmes destinés au rayonnement d'artistes canadiens à l'étranger soient réinvestis.

Pas question de produire es analyses

Témoignant au comité hier, le ministre du Patrimoine, James Moore, a dû défendre ces décisions. Pressé par le Bloc québécois et le Parti libéral, il a refusé net de fournir les documents d'analyse justifiant les coupes de programmes. Il s'en est remis à sa sous-ministre pour en expliquer la raison.

« Toutes ces recommandations-là sont allées au cabinet et ce sont des décisions du cabinet, alors les documents comme tels sont considérés comme des décisions du cabinet et ce n'est pas permis pour nous de les divulguer «, a dit Judith Larocque.

Ces analyses, ou examens stratégiques, sont une évaluation du rendement de l'ensemble programmes du ministère. L'examen stratégique de Patrimoine Canada avait été annoncé dans le budget 2008-2009. C'est à la suite de cet examen que la décision a été prise d'abolir une douzaine de programmes.

Jamais, cependant, ni le ministère ni le bureau du ministre, n'a accepté de rendre ces examens publics.

Or, pour les libéraux ainsi que le Bloc québécois, ce n'est pas la confidentialité qui explique un tel refus. « Il se défile sous n'importe quel prétexte pour nous dire qu'il ne peut pas nous les donner, mais en fait, c'est qu'il ne veut pas «, a dénoncé la députée bloquiste Carole Lavallée.

«On sait que ces décisions ont été prises pour d'autres raisons que la vraie rentabilité. Parce qu'on sait que ce sont des raisons idéologiques qui font en sorte que les conservateurs ont coupé ces programmes-là. «

James Moore a nié ces accusations. Lors de sa comparution d'hier, il a répété que son gouvernement investissait une somme record dans les arts et la culture. Selon lui, l'argent frais pour ce secteur dans le budget 2009-2010 représente 276 millions de dollars. De plus, a-t-il martelé, les programmes auxquels son gouvernement a mis un terme n'étaient pas rentables. Il a entre autres donné l'exemple de Culture.ca, un portail internet «que personne ne visitait «.

Alain Paré, PDG de la Conférence internationale des arts de la scène (CINARS) et qui a assisté à la séance, juge que ces arguments sont fallacieux. Les 276 millions invoqués par le ministre contiennent bien une enveloppe de 100 millions pour les festivals, a-t-il dit, mais elle est coordonnée par les fonctionnaires responsables du tourisme au gouvernement canadien.

«C'est du tourisme, a lancé M. Paré, qui a assisté à la réunion d'hier. Il n'y a rien qui va aux arts là-dedans, il n'y a rien qui va à la programmation, il n'y a rien qui va à la création.»