Le Parti libéral permettra au gouvernement Harper de survivre. Après un long mois de suspense, son nouveau chef, Michael Ignatieff, a annoncé hier qu'il voterait en faveur du budget, moyennant un amendement que les conservateurs se sont empressés d'accepter.

La coalition née en décembre dernier est donc morte. Mais elle n'est pas nécessairement enterrée. Les leaders du Bloc québécois et du NPD ont sévèrement critiqué la décision de leur adversaire libéral. Mais aucun n'est allé jusqu'à écarter complètement cette option pour l'avenir.

 

La crise politique qui a agité la colline parlementaire et failli donner au Canada son premier gouvernement de coalition en près d'un siècle s'est donc terminée aussi subitement qu'elle avait éclaté, lorsque tous les partis s'étaient en novembre insurgés contre l'Énoncé économique du ministre des Finances, Jim Flaherty.

Michael Ignatieff, qui avait décidé de prendre la nuit pour réfléchir à sa décision face au budget, a annoncé ses couleurs en fin de matinée, hier.

«Si le plan de relance a une chance d'aider les Canadiens, il faut qu'il soit exécuté», a lancé le chef libéral, en conférence de presse.

Mais à titre de chef de l'opposition officielle, il entend imposer une discipline au premier ministre conservateur. Ainsi, le Parti libéral a déposé un seul amendement, sans impact fiscal ou financier, réclamant que le gouvernement présente, à trois reprises en 2009, des bilans des progrès réalisés en matière de relance économique, de création d'emplois, ainsi qu'un portrait à jour du déficit. Les rapports seront présentés à la fin mars, en juin et au début décembre. Le dépôt en Chambre de chacun de ses bilans pourrait être suivi d'un vote de confiance, a laissé entendre M. Ignatieff, ajoutant qu'il pourrait à tout moment décider de renverser le gouvernement.

«J'ai mis ce gouvernement en probation, a martelé M. Ignatieff. C'est du sérieux. Je n'ai pas peur de le défaire, je n'ai pas peur même d'aller en élections. Ce que je dis, c'est que les Canadiens veulent donner à ce gouvernement la chance de gouverner, la chance d'appliquer les mesures dans ce budget.»

S'il concède qu'il s'agit de la mort de la coalition que formait le Parti libéral avec le NPD, appuyée par le Bloc québécois, M. Ignatieff estime que l'opposition alliée a rempli son mandat.

«La coalition a réussi à abattre un travail remarquable. La coalition a forcé un premier ministre vraiment imprudent à repenser sa façon autoritaire d'agir, a dit le chef libéral. La coalition a forcé le gouvernement à déposer un budget inattendu certainement d'un premier ministre conservateur. Tout cela, c'est grâce à l'opposition qui s'est unie contre le gouvernement.»

En fin d'après-midi, le gouvernement Harper a annoncé qu'il voterait en faveur de l'amendement libéral. «Il n'y a rien de nouveau, a expliqué le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Jay Hill. Nous rendons toujours des comptes au Parlement et au peuple canadien et ce n'est qu'un autre mécanisme pour rendre compte à la Chambre des communes des progrès que nous entendons faire.»

Layton et Duceppe furieux

Le Bloc québécois et le NPD ont été cinglants dans leurs critiques de la décision du Parti libéral. «Michael Ignatieff a décidé de maintenir Stephen Harper au pouvoir. C'est la première décision publique d'importance de M. Ignatieff. Il a décidé de suivre la mauvaise politique de M. Dion, a lancé le chef néo-démocrate Jack Layton, furieux. Lorsque les libéraux voteront pour M. Harper, avec ou sans amendement minime, ce sera leur 45e vote d'affilée pour maintenir Stephen Harper au pouvoir.»

M. Layton a promis de s'opposer à «cette nouvelle coalition» entre libéraux et conservateurs, estimant que M. Ignatieff pourrait maintenir M. Harper au pouvoir pour encore longtemps. «Aujourd'hui, nous avons appris qu'on ne peut pas faire confiance à M. Ignatieff pour s'opposer à M. Harper», a-t-il conclu.

«Une fois de plus, le Parti libéral du Canada laisse tomber le Québec, sa population, son économie», a quant à lui dénoncé le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe.

Il a qualifié l'amendement libéral de simple écran de fumée ne servant qu'à laisser le gouvernement en vie au moins jusqu'au prochain budget. M. Duceppe croit en effet que les libéraux trouveront une excuse pour ne pas défaire le gouvernement chaque fois que celui-ci remettra l'un de ses comptes rendus à la Chambre des communes.

Le Bloc a présenté un sous-amendement reprenant en substance la motion unanime votée il y a quelques semaines à l'Assemblée nationale, et qui réclame quelques mesures précises pour faire face à la crise. Comme les députés du Québec, le Bloc demande entre autres que les critères d'admissibilité à l'assurance emploi soient assouplis pour permettre à plus de chômeurs d'y avoir accès. Le parti souverainiste souhaite aussi que les baisses d'impôts profitent davantage aux plus démunis.

«Tous les élus du Québec qui voteront contre ce sous-amendement et en faveur de ce budget conservateur, auront choisi le Canada, au détriment du Québec», a dit Gilles Duceppe.

Le NPD votera en faveur de ce sous-amendement, tandis que les conservateurs et les libéraux voteront contre. Il faut dire que la modification proposée par le Bloc annulerait celle du Parti libéral.