La donne politique a changé au Québec depuis les élections fédérales du 14 octobre. Les appuis du Parti conservateur sont en chute libre dans la province tandis que la cote du Parti libéral auprès des électeurs enregistre un bond spectaculaire, au point où les troupes de Michael Ignatieff talonnent le Bloc québécois.

Si des élections fédérales avaient lieu aujourd'hui, le Parti conservateur obtiendrait une maigre part de 16% des intentions de vote, un recul de six points de pourcentage par rapport au dernier scrutin et son pire score depuis qu'il est au pouvoir. Le Parti libéral sortirait grand gagnant de ce changement de l'humeur des Québécois en récoltant 31% d'appuis alors qu'il avait dû se contenter de 24% le jour des élections.

Le Bloc québécois, qui avait raflé 38% des voix au dernier scrutin, voit ses appuis passer à 34%. Enfin, le NPD obtiendrait 15% des intentions de vote, presque autant que le Parti conservateur. Le jour des élections, les troupes néo-démocrates de Jack Layton avaient obtenu 12% des voix.

 

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Telles sont les grandes conclusions d'un sondage CROP réalisé auprès de 1000 personnes entre le 15 et le 25 janvier, soit avant le dépôt du budget du ministre des Finances, Jim Flaherty, à la Chambre des communes mardi. Ce coup de sonde, le premier réalisé sur la scène fédérale au Québec depuis le dernier scrutin, comporte une marge d'erreur de 3 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

Ces résultats encourageants pour les libéraux surviennent alors que leur chef Michael Ignatieff a choisi, hier, de larguer la coalition qui liait le Parti libéral au NPD et au Bloc pour remplacer les conservateurs au pouvoir. M. Ignatieff a confirmé que son parti appuiera le budget du ministre des Finances Jim Flaherty, assurant ainsi la survie du gouvernement minoritaire de Stephen Harper pour encore quelques mois.

Ce geste a soulevé l'ire du chef du NPD Jack Layton et de son collègue du Bloc québécois Gilles Duceppe, qui ont multiplié les attaques contre Michael Ignatieff, le chef qui semble avoir le vent dans les voiles au Québec.

Chez les électeurs francophones, le Bloc québécois caracole toujours en tête dans les intentions de vote avec 40%. Mais le Parti libéral a supplanté le Parti conservateur au deuxième rang en étant le choix de 26% des francophones, soit plus du double que lors du dernier sondage réalisé du 18 au 28 septembre, en pleine campagne électorale.

Le Parti conservateur perd presque la moitié de ses appuis chez les francophones. Il n'obtient plus que 15% alors qu'il en récoltait 29% dans le dernier sondage.

Nouveau souffle

Pour le vice-président de CROP, Claude Gauthier, il est clair que l'arrivée de Michael Ignatieff donne un nouveau souffle au Parti libéral au Québec. Le sondage vient aussi confirmer que Stéphane Dion était un boulet pour son parti.

«Les Québécois sont plus sympathiques envers M. Ignatieff qu'ils ne l'étaient envers M. Dion. Il semble être la nouvelle coqueluche des Québécois. Maintenant, est-ce que cela va durer ou pas, cela reste à voir. Mais pour l'instant, c'est bien parti», estime M. Gauthier.

Et les mauvaises nouvelles ne s'arrêtent pas là pour les conservateurs. Il n'y a plus que 34% des Québécois qui se montrent satisfaits de la gestion des affaires de l'État du gouvernement Harper alors que 61% en sont insatisfaits. Il s'agit du pire score du gouvernement conservateur depuis son arrivée au pouvoir il y a trois ans.

Pis encore, seulement 16% des personnes interrogées choisissent Stephen Harper parmi les chefs actuels comme le meilleure premier ministre. À cet égard, M. Harper se fait damer le pion à la fois par Michael Ignatieff et Jack Layton. Le chef libéral est vu par 37% des répondants comme le meilleur choix au poste de premier ministre tandis que 23% des Québécois optent pour M. Layton.

Même dans la région de Québec, le bastion des conservateurs depuis janvier 2006, l'échiquier politique commence à changer. Le Bloc québécois est en avance dans cette région avec 30% suivi du Parti conservateur (28%) et le Parti libéral (27)%. Au cours des trois dernières années, les appuis des conservateurs ont toujours oscillé entre 40 et 25% dans la grande région de Québec.

Capital de sympathie

Au dernier scrutin, le Parti conservateur a remporté 10 des 75 sièges au Québec, le Bloc québécois 49 sièges, le Parti libéral 14 sièges et le NPD un siège. Le député indépendant André Arthur a été réélu.

Selon Claude Gauthier, la crise politique qui a marqué la dernière session parlementaire semble avoir fait perdre des plumes aux troupes de Stephen Harper. «En quelques mois, M. Harper semble avoir perdu tout son capital de sympathie au Québec. Il s'est montré déconnecté de la réalité québécoise. En même temps, il y a eu le départ de Stéphane Dion et l'arrivée de M. Ignatieff qui semble faire bonne figure», a dit M. Gauthier.

La crise politique de la dernière session a été provoquée par un énoncé économique du ministre des Finances, Jim Flaherty, qui ne contenait pas de mesures suffisamment robustes aux yeux de l'opposition pour relancer l'économie canadienne.

En outre, le gouvernement Harper proposait dans cet énoncé d'abolir les subventions de l'État versées aux partis politiques, un geste qui aurait étranglé financièrement le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD. Le gouvernement conservateur a finalement reculé sur cette question, mais seulement après que les trois partis eurent menacé de le renverser et de le remplacer par un gouvernement de coalition.