Il est «irresponsable» et «tout à fait inapproprié» pour le premier ministre Stephen Harper de permettre que des détails sur le déficit prévu dans le budget de mardi se retrouvent dans les médias, ont critiqué vendredi les chefs du Parti libéral et du Nouveau Parti Démocratique (NPD).

Un représentant du gouvernement a révélé jeudi que le gouvernement Harper prévoyait des déficits totalisant 64 milliards $ pour les deux prochaines années, soit 34 milliards $ cette année et 30 milliards $ l'an prochain.

Le chef libéral, Michael Ignatieff, a affirmé que le gouvernement voulait, de façon évidente, se débarrasser des mauvaises nouvelles avant la divulgation du budget.

«J'ai demandé à M. Harper de ne pas jouer à des jeux comme ceux-là, a-t-il dit devant un regroupement de gens d'affaires de Toronto. Mais il ne peut pas s'en empêcher. Il croit que tout ceci est une espèce de jeu.»

Le chef du NPD, Jack Layton, croit quant à lui que la fuite au sujet du montant du déficit est un signe que M. Harper est inquiet d'être battu par une coalition formée par les libéraux et les néo-démocrates et appuyée par le Bloc Québécois.

«C'est le genre de manoeuvre auquel on a recours lorsqu'on a peur de perdre son emploi. C'est tout à fait inapproprié», a déclaré M. Layton devant une audience à Toronto.

«Je me rappelle que M.Harper attaquait lui-même les gouvernements qui révélaient des informations au sujet du budget avant son dévoilement. Encore une fois, il fait quelque chose qu'il a déjà critiqué dans le passé», a ajouté M. Layton.

Selon M. Ignatieff, la fuite des montants prévus pour le déficit est une manoeuvre politique du premier ministre visant à se positionner et est «à la limite de violer» le secret budgétaire. «Cela pourrait avoir un impact sur le marché», a ajouté le chef libéral.

Le NPD a déjà laissé savoir qu'il ne supporterait pas le budget de mardi mais M. Ignatieff a affirmé qu'il ne porterait pas de jugement rapide sans avoir d'abord consulté le caucus libéral sur le contenu du plan fiscal.

«Compte tenu de la très grande importance politique de ce budget, nous aurons un caucus extraordinaire et puis, le lendemain matin, vous n'aurez plus aucun doute sur la position du Parti libéral du Canada», a affirmé M. Ignatieff.

Ce dernier a averti M. Harper que les libéraux n'auront pas peur de faire tomber le gouvernement si le budget contenait n'importe quelle «provocation», comme par exemple, celle de mettre un terme au financement publique des partis politiques.

«Mardi, nous verrons s'il est finalement devenu sérieux, a dit M. Ignatieff. Et si il n'a pas appris à écouter, il ne dirigera plus pour longtemps.»

Le chef libéral a également affirmé qu'il n'avait pas abandonné l'idée d'une coalition avec les néo-démocrates supportée par le Bloc, mais qu'il en revenait à la gouverneure générale Michaëlle Jean de déterminer si la coalition devait former le gouvernement si le budget était défait.

M. Layton a dit que l'option de former un gouvernement de coalition était «en vie et en santé» aux yeux d'Ignatieff et qu'elle dépendait ultimement de la décision du chef libéral.

«Le choix se situe entre faire les choses de la même façon que d'habitude avec le même vieux gouvernement ou un changement réel -basé sur la coopération des partis de la majorité de la Chambre, la stabilité de plusieurs budgets et pas d'élections pour deux ans et demi», a ajouté M. Layton.

Le chef libéral a réitéré son appui aux allégements fiscaux pour les citoyens les plus vulnérables, précisant qu'il n'était toutefois pas d'accord avec des réductions d'impôt à grande échelle. Mais il a refusé de commenter au sujet de la création d'un fond d'un milliard de dollars pour les travailleurs en difficulté prévu dans le budget.