Le gouvernement fédéral et les provinces comptent ouvrir les vannes d'une manière sans précédent au cours des prochaines semaines afin de relancer l'économie canadienne, de soutenir les travailleurs et les entreprises en difficulté et de créer de nouveaux emplois en ces temps de récession.

Au terme d'une rencontre avec ses homologues provinciaux, hier, à Ottawa, le premier ministre Stephen Harper a clairement fait savoir que la facture de cette opération de sauvetage sera élevée.

 

Mais la crise mondiale est telle que les gouvernements ne peuvent se permettre de lésiner. Devant les journalistes, M. Harper a affirmé que les Canadiens doivent s'attendre à «des déficits très importants à court terme» pour les deux ordres de gouvernement.

«Tous les premiers ministres comprennent les grands dangers de la situation économique mondiale et la nécessité de travailler ensemble sur des dossiers où nous sommes d'accord, a affirmé M. Harper. Il incombe aux gouvernements de faire des investissements substantiels et de soutenir la confiance dans l'économie».

Le gouvernement Harper sera le premier à lancer une bouée de sauvetage à l'économie canadienne en déposant son budget le 27 janvier à la Chambre des communes. Ce budget renouera avec l'encre rouge pour la première fois depuis 13 ans. Le déficit pourrait friser les 40 milliards durant l'exercice financier 2009-2010. Les provinces déposeront leur budget respectif d'ici à la fin du printemps.

Le premier ministre a tenu à souligner que plusieurs des mesures qu'il annoncera dans le budget seront temporaires, de manière à éviter que les déficits prévus pour au moins les trois prochaines années deviennent permanents.

M. Harper a rencontré ses homologues provinciaux afin de faire le point sur l'état de santé de l'économie canadienne, qui se détériore rapidement, et de les consulter sur les meilleurs moyens à prendre pour extirper le pays de la récession dans laquelle il s'est enfoncé.

Le premier ministre n'a pas divulgué les intentions budgétaires de son gouvernement si ce n'est pour dire qu'il a la ferme intention de donner un peu plus d'oxygène à la classe moyenne en réduisant les impôts ou les taxes pour stimuler la consommation.

Cette mesure, à laquelle s'opposent la grande majorité des provinces, le NPD, le Bloc québécois et, dans une certaine mesure, le Parti libéral, est nécessaire, selon M. Harper, parce que la classe moyenne est l'épine dorsale de la croissance de l'économie.

«Mon gouvernement examine toutes les options, pas seulement celle des dépenses, mais aussi celle de réduire les impôts et les taxes. C'est essentiel, dans le train de mesures que nous allons prendre, d'avoir un impact immédiat ou un bénéfice à long terme. (...) Je vous rappelle que c'était M. Ignatieff qui, il y a deux semaines, a demandé des réductions des impôts pour la classe moyenne. Je pense que c'est essentiel que la classe moyenne fasse partie d'une initiative pour stimuler l'économie.»

Ententes

Mais la réduction du fardeau fiscal des Canadiens n'a pas été au coeur des échanges des premiers ministres. Ils ont surtout discuté des moyens d'accélérer les investissements dans les infrastructures et des mesures pour aider les travailleurs et les chômeurs. À l'issue de leur rencontre, qualifiée de «fructueuse» par la plupart des participants, les premiers ministres se sont entendus pour:

> Faire de nouveaux investissements dans les projets d'infrastructures plus rapidement en soumettant ces projets à une seule étude environnementale (au lieu de deux, l'une fédérale et l'autre provinciale). Des délais de six mois pourraient aussi être imposés pour réaliser ces études.

> Veiller à l'accès continu au crédit. Un groupe de travail des ministres des Finances doit suggérer de nouvelles mesures pour assurer l'accès au crédit.

> Modifier le programme d'assurance emploi pour offrir de la formation aux travailleurs qui ont perdu leur emploi. Les conditions du programme de l'assurance emploi seront aussi assouplies.

Fait intéressant, les premiers ministres ont aussi signé hier une entente sur la mobilité de la main-d'oeuvre qui entrera en vigueur le 1er avril. Selon cette entente, les travailleurs (plombiers, infirmières, électriciens, etc.) reconnus comme aptes à un emploi par une autorité de réglementation dans une province ou un territoire seront maintenant reconnus comme tels par l'ensemble des provinces et territoires.

La majorité des premiers ministres se sont dits satisfaits des résultats de cette rencontre.

«En ces temps de récession, la collaboration n'est pas une option. C'est une obligation de notre part», a lancé le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, ajoutant qu'il existe «des consensus forts» pour prendre les moyens nécessaires pour stimuler l'économie.

Le premier ministre de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell, s'est félicité des résultats de la rencontre, mais il a affirmé que le véritable test sera le budget. «Si nous travaillons ensemble au Canada, nous sommes en mesure de faire beaucoup de choses pour les Canadiens», a-t-il aussi affirmé.

Seul Jean Charest a lancé quelques salves en direction de Stephen Harper en privé et devant les journalistes, à cause du refus d'Ottawa de revenir sur sa décision de modifier le calcul de la hausse des paiements de péréquation afin de tenir compte de la croissance de l'économie. Jean Charest était tellement furieux qu'il n'a même pas salué Stephen Harper et ses homologues des provinces avant de quitter la salle de réunion, selon ce qu'a appris La Presse.