Le premier ministre du Québec, Jean Charest, est sorti de la rencontre fédérale-provinciale, hier, à Ottawa, critiquant sévèrement le gouvernement Harper dans le dossier de la péréquation. Une attitude qui détonnait avec celle de ses collègues.

M.Charest est allé jusqu'à dire que le premier ministre du Canada, Stephen Harper, avait renié sa parole en changeant «unilatéralement, sans consultation, arbitrairement», il y a quelques mois, la formule selon laquelle Ottawa verse de l'argent aux provinces. Il a demandé à Ottawa de revenir sur sa décision et de plutôt engager une consultation avec les provinces.

 

«Ce n'est pas du fédéralisme d'ouverture que d'agir comme cela», a déploré Jean Charest en prenant bien soin de peser ses mots, lors de la conférence de presse qui a suivi la fin de la réunion.

«Sur cette question, le Québec est très déçu. Et je vois là-dedans un bris de l'engagement du premier ministre Harper sur le plan du déséquilibre fiscal», a-t-il ajouté. Il a comparé l'attitude du gouvernement actuel à celle du gouvernement libéral des années 90, qui avait réduit les transferts fédéraux pour éponger la dette.

Le premier ministre s'en est aussi pris au message véhiculé depuis quelques jours par le bureau de Stephen Harper selon lequel la ministre québécoise des Finances, Monique Jérôme-Forget, avait qualifié de «raisonnable» l'annonce faite par le fédéral en novembre dernier qu'il allait diminuer l'augmentation annuelle des transferts d'argent aux provinces.

«Je suis toujours très zen... Mais j'étais irrité ce matin de lire l'interprétation que faisait le bureau du premier ministre d'une déclaration faite par le bureau du ministre des Finances du Québec, a dit M.Charest. La déclaration qui est citée par le bureau du premier ministre est prise dans le contexte de la conférence des ministres des Finances du 3 novembre, alors qu'il n'y avait aucune formule qui nous avait été donnée.»

Jean Charest a précisé qu'Ottawa ne lui avait transmis la formule modifiée qu'en décembre. Une source au gouvernement du Québec a d'ailleurs indiqué hier que, avec cette nouvelle formule, la province perdrait de 600 à 900 millions de dollars dès 2010. Québec pourrait-il envisager des recours judiciaires? «Nous allons examiner toutes les options», a répondu cette source. «Nous verrons ce que sera leur décision dans le budget», a pour sa part simplement laissé tomber le premier ministre.

Isolé

Or, malgré la virulence de sa sortie, Jean Charest a paru isolé des autres premiers ministres du Canada, qui ont tous émergé de la réunion en louant la productivité des échanges des deux derniers jours et en plaidant en faveur d'une bonne collaboration des politiciens en ces temps de crise économique.

Le premier ministre de l'Ontario, David McGuinty, n'a pas hésité à exprimer ouvertement son désaccord avec Jean Charest. «Jean et moi allons nous entendre neuf fois sur 10, a-t-il dit. Mais sur cet enjeu particulier de la péréquation, j'appuie la mesure mise de l'avant par le premier ministre Harper.»

De son côté, Stephen Harper, qui s'est adressé aux journalistes avant Jean Charest, a cherché à minimiser l'importance qu'avait eue le dossier de la péréquation durant la rencontre d'hier. «Je sais que les provinces ont des positions différentes sur cette question, mais la grande, grande majorité des questions aujourd'hui portaient sur des sujets où des provinces et le fédéral ont la même position pour renforcer l'économie.»

«Nous allons assurer que ces paiements de péréquation vont augmenter, même pendant la période économique actuelle», a-t-il ajouté.

Jean Charest a été prompt à réagir à cette dernière affirmation. «Est-ce que le Québec va recevoir plus d'une année à l'autre? La réponse, c'est oui. Est-ce que c'est les montants que nous aurions reçus s'ils avaient respecté leur loi de 2007? La réponse, c'est non. C'est là que le bât blesse.»