Jim Flaherty espérait séduire les électeurs canadiens en leur offrant une baisse d'impôts, il a plutôt réussi à ulcérer les partis de l'opposition qui menacent maintenant de rejeter son budget le 27 janvier prochain.

Les trois partis ont en effet confirmé hier à La Presse qu'ils n'appuieraient pas un budget Flaherty basé sur les mesures qui ont été annoncées jusqu'à maintenant. Le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois ont vertement dénoncé les baisses d'impôts promises par le ministre des Finances, qu'il a confirmées hier lors de son passage à Montréal. Le Parti libéral, lui, n'est pas opposé en principe à cette mesure, mais estime que les conservateurs n'ont toujours pas de plan pour sortir le pays de la récession.

 

Interrogé par les journalistes hier matin, peu avant les réunions de consultation sur le budget prévues à Montréal, le ministre Flaherty a convenu que son gouvernement offrira vraisemblablement des baisses d'impôts aux contribuables canadiens dans trois semaines. «Ce que j'entends partout au Canada, et dans mon propre entourage de conseillers, c'est que nous avons besoin d'investir plus dans les infrastructures, que c'est une façon de stimuler l'économie. Mais également que nous devons regarder du côté des baisses d'impôts additionnelles, comme une autre façon d'appuyer l'économie. Les réductions d'impôts sont une façon d'encourager les investissements, de laisser plus d'argent dans les poches des Canadiens pour qu'ils puissent le dépenser, pour faire rouler l'économie.»

La recette déplaît tant au NPD qu'au Bloc. «Une baisse d'impôts est toujours une idée attirante pour quelqu'un qui a encore son emploi, ironise Thomas Mulcair, critique du NPD en matière de finances. Le problème, c'est qu'en appliquant ce remède depuis trois ans, les conservateurs nous ont fait perdre des centaines de milliers d'emplois, notamment dans les secteurs forestiers et manufacturiers.»

«Si M. Flaherty a l'intention de rééditer les mêmes erreurs, il va se heurter à un mur avec le NPD.»

Même avertissement du côté du Bloc québécois, où le critique Jean-Yves Laforest estime que les baisses d'impôts des dernières années n'ont pas «donné grand-chose». «Les entreprises qui ferment leurs portes et qui ne font pas de profits ne paient pas d'impôts. Ils doivent accepter que l'État a un rôle majeur à jouer, il ne faut pas axer le soutien à l'économie uniquement sur les baisses d'impôts.»

Le NPD n'appuiera pas le budget Flaherty s'il n'est pas modifié substantiellement, prévient M. Mulcair. «La réponse du NPD pour l'instant, c'est non. On ne voit pas ce qui pourrait changer dans l'attitude des conservateurs qui nous ferait donner une autre décision. Mais les miracles, ça existe, comme dit M. Layton. Peut-être qu'il y aura un miracle, mais je ne retiendrai pas mon souffle.»

Du côté du Bloc, on se montre prudent. «On va regarder l'ensemble du budget, précise M. Laforest. Si on se retrouvait uniquement avec des baisses d'impôts... on ne serait pas satisfait. Mais ce serait dans l'approche idéologique des conservateurs.»

Les libéraux, quant à eux, ne s'opposent pas au principe même des baisses d'impôts. «Obama vient d'en annoncer une; on ne dit pas que c'est nécessairement mauvais, dit John McCallum, critique libéral en matière d'économie. Mais une chose est sûre: ce n'est pas la priorité et ce n'est pas suffisant. Les baisses d'impôts, ça pourrait être un élément si c'est une approche intelligente.»

Le budget Flaherty doit s'occuper d'infrastructures, de logement, de réforme du programme d'assurance chômage pour sortir le Canada de la crise et mériter la confiance de la Chambre, croit M. McCallum. Et rien n'indique qu'il l'obtiendra le 27 janvier prochain. «D'après le comportement du gouvernement, je n'ai pas beaucoup confiance. Je pense qu'ils n'ont pas de plan, ils ne savent pas quoi faire. Ils ont agi très tard, après les autres pays. En termes de gestion économique, ce gouvernement est très mauvais.»