Confronté à la pire crise économique depuis la Dépression des années 30, le gouvernement Harper compte délier les cordons de sa bourse de manière sans précédent dans son prochain budget pour relancer l'économie canadienne. Les diverses mesures envisagées pourraient forcer Ottawa à enregistrer un déficit qui pourrait atteindre les 30 milliards de dollars durant l'exercice financier 2009-2010.

C'est du moins ce qu'a laissé entendre un haut fonctionnaire du gouvernement cité hier soir par La Presse Canadienne. Il s'agirait d'un premier déficit en 12 ans à Ottawa.

 

«Nous sommes prêts à enregistrer des déficits substantiels, mais durant une courte période de temps, et le déficit oscillerait entre 20 et 30 milliards de dollars», a déclaré ce haut fonctionnaire à l'agence de presse sous le couvert de l'anonymat.

Un déficit de 30 milliards représenterait environ 2% du produit intérieur brut (PIB). Une telle somme correspondrait aux suggestions de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) qui recommandait aux pays industrialisés il y a quelques semaines d'investir l'équivalent de 2% de leur PIB respectif afin de stimuler l'économie mondiale en pleine récession.

«Nous voulons nous assurer que quiconque n'a pas d'emploi puisse retrouver un job et contribuer à la croissance de l'économie», a dit le haut fonctionnaire.

La part du lion des sommes colossales qui seraient consenties servirait à financer des projets d'infrastructures comme des routes et des ponts et à former des travailleurs ayant perdu leur emploi.

Le portrait de l'économie canadienne s'est donc grandement détérioré au cours des derniers mois. Hier, le ministère des Finances a fait savoir qu'il projette maintenant que le gouvernement fédéral enregistrera des déficits au moins pendant les quatre prochains exercices financiers. Et ces déficits ne tiennent pas compte des dépenses importantes promises par le gouvernement Harper -qui pourraient atteindre 30 milliards- pour financer des mesures afin de stimuler l'économie canadienne.

Le ministre des Finances a remis ces nouvelles projections à ses homologues provinciaux mercredi. Ces projections démontrent donc que le ministre Flaherty avait utilisé des données dépassées lorsqu'il a déposé son énoncé économique aux Communes, il y a à peine trois semaines. Dans cet énoncé, rejeté par les partis de l'opposition, le ministre assurait qu'il y aurait des surplus modestes au cours des prochaines années.

Mais les nouveaux calculs du ministère des Finances suggèrent qu'il se pourrait aussi qu'Ottawa tombe dans le rouge dès le présent exercice financier, qui prend fin le 31 mars 2009.

Par ailleurs, Jim Flaherty a décidé de solliciter les conseils des éminences grises du milieu des affaires et du monde universitaire du pays pour l'aider à préparer son prochain budget et produire des mesures permettant de relancer l'économie canadienne.

De passage à Saskatoon, où il a poursuivi hier ses consultations en prévision du budget qu'il doit déposer aux Communes le 27 janvier, M. Flaherty a annoncé la création d'un conseil consultatif sur l'économie composé de 11 membres provenant de toutes les régions du pays.

Les membres de ce nouveau conseil, qui toucheront un salaire symbolique de 1$ par année outre le remboursement de leurs dépenses, se réuniront d'ailleurs pour la première fois le 23 décembre à Toronto. M. Flaherty a indiqué hier qu'il comptait solliciter leurs conseils périodiquement sur les questions économiques, même après la présentation de son budget en janvier.

«En cette période de bouleversements économiques sans précédent, j'ai choisi de rassembler certains des esprits les plus éminents du Canada afin de trouver des solutions et d'amorcer une reprise rapide de l'économie», a affirmé le grand argentier du pays.

Le conseil sera présidé par Carole Taylor, ancienne ministre des Finances de la Colombie-Britannique. Le président du conseil et cochef de la direction de Power Corporation, Paul Desmarais jr, fait partie de ce comité de sages, tout comme Isabelle Hudon, ancienne présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, aujourd'hui présidente de l'agence de publicité Marketel.

M. Flaherty a aussi retenu les services de James D. Irving, homme d'affaires du Nouveau-Brunswick, de James A. Pattison, homme d'affaires de la Colombie-Britannique, et de Jack Mintz, professeur d'économie de l'Université de Calgary qui est aussi l'ancien président de l'Institut C.D. Howe.

Les autres membres du conseil sont des gens d'affaires tout aussi influents: Mike Lazaridis, PDG de Research in Motion; Ajit Someshwar, PDG de CSI Group; George Gosbee, président de Tristone Capital Inc.; Geoff Beattie, président de Woodbrige Co; et Annette Verschuren, présidente de la division canadienne de Home Depot.

Scott Brison, critique libéral en matière de finances, a accueilli favorablement la création de ce conseil consultatif sur l'économie. Toutefois, il a dit ne pas être convaincu que le gouvernement Harper va tenir compte des conseils de ces éminents gens d'affaires.

«C'est toujours une bonne chose d'écouter les conseils des experts et des gens d'affaires. Mais M. Harper a la réputation d'un premier ministre qui n'écoute même pas les conseils de ses ministres. Il est donc difficile d'imaginer qu'il sera capable d'écouter les avis des experts venant de l'extérieur de son gouvernement. C'est peut-être une façade tout cela», a dit M. Brison, joint hier à Wolfville, en Nouvelle-Écosse.

Avec La Presse Canadienne