La fronde contre Stephen Harper sort des coulisses du Parlement à Ottawa et descend dans les rues du pays. Plusieurs centaines de personnes se sont massées hier à Montréal et à Toronto pour soutenir la formation d'un gouvernement de coalition par les partis de l'opposition et dénoncer la prorogation de la session parlementaire jusqu'à la fin janvier.

blank_pageÀ Montréal, le rassemblement a débuté par une minute de silence à la mémoire des victimes de la tragédie de l'École polytechnique avant de se poursuivre par une longue série de discours de plusieurs politiciens et personnalités publiques.

Les représentants des grandes centrales syndicales de la province, instigateurs de la manifestation montréalaise, ont été les plus durs envers le premier ministre Harper à qui ils ont de nouveau reproché de faire du «Quebec bashing». Ils n'hésitent pas à comparer sa demande d'ajourner la session parlementaire aux actions d'un gouvernement autoritaire. «Stephen Harper veut régner en despote», a lancé la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, devant une foule hétéroclite de travailleurs, retraités, étudiants, hommes femmes et enfants.

Construire une solution de remplacement

«Oui, il faut s'indigner, mais il faut aussi freiner cet assaut contre la démocratie et construire une alternative qui repose sur l'appui de 62% de la population», a-t-elle dit, faisant référence aux votes recueillis par le Bloc, le NPD et les libéraux le 14 octobre dernier.

Le représentant du NPD, Thomas Mulcair, a tourné en dérision Stephen Harper et son utilisation de l'expression «séparatiste» dans la version anglophone de son discours à la nation, mercredi, au lieu du mot «souverainiste» dans la version francophone. «Avec Stephen Harper: Je vais me battre pour sauver les emplois se traduit par I am going to fight to save my job (je vais me battre pour sauver mon emploi)», a-t-il dit. «Il y a un mot qui se dit bien dans les deux langues: démocratie.»

La foule a applaudi avec enthousiasme ces paroles qui résonnaient souvent avec les propos des nombreuses personnes interrogées par La Presse. «Stephen Harper est une menace pour la démocratie. Il s'accroche au pouvoir par tous les moyens», s'est indigné hier Jean-Pierre Brodeur. Disant n'appartenir à aucune formation politique ou syndicale, François Millette était venu de Blainville «pour prouver que le mécontentement n'est pas seulement l'affaire des syndicats, mais de tous les citoyens». Il était accompagné de son fils de 11 ans, William, qui brandissait une pancarte faite le matin même pour décrier le «Quebec bashing» de Stephen Harper. «Ce qui se passe en ce moment va avoir un impact sur mon avenir», a dit le jeune homme d'un ton sérieux.

Quelques Ontariens, anglophones, étaient aussi du lot. «Harper agit comme si les bloquistes étaient entrés illégalement au Parlement, comme si le vote des électeurs québécois n'avait aucune valeur», a expliqué Marie-Lou Sutton, d'Ottawa.

Le militant souverainiste Gérald Larose croit que Michaelle Jean a posé un geste «totalement farfelu» en permettant l'arrêt de la session parlementaire. «Elle s'est prêté au jeu de quelqu'un qui avait perdu la confiance de la Chambre. C'est dégradant pour la démocratie.»

Les représentants des trois partis politiques fédéraux ont insisté sur la solidité de la coalition. Le chef du Bloc, Gilles Duceppe, soutient que la pause forcée des vacances de Noël n'aura pas d'effet sur la mobilisation des troupes, pas plus que les questions soulevées sur la présence de Stéphane Dion à la tête du Parti libéral. L'entente, a-t-il rappelé, a été signée entre des partis, plutôt qu'entre les chefs.

«La coalition est solide, elle a fait l'objet d'une pétition signée par tous les députés du Parti libéral», a aussi affirmé le libéral Denis Coderre.

Ailleurs au pays

Une manifestation similaire a réuni quelque 3000 personnes à Toronto, devant lesquelles Stéphane Dion et Jack Layton ont à leur tour lancé des appels à la mobilisation. Mais les partisans de Stephen Harper se sont aussi fait entendre bruyamment, hier. À Ottawa, 3000 personnes ont bravé un vent glacial pour manifester leur solidarité à l'endroit du gouvernement conservateur, contre 2000 à Calgary et quelque 200 à Halifax.

- Avec La Presse Canadienne