Une fois de plus le premier ministre, Stephen Harper, a refusé hier de faire pression auprès des États-Unis, comme le lui a demandé le chef libéral Stéphane Dion, afin que les autorités militaires transfèrent au Canada Omar Khadr, ce jeune Canadien détenu à la prison de Guantánamo Bay, à Cuba, et accusé d'avoir causé la mort d'un soldat américain en Afghanistan.

Lors d'un tête-à-tête avec M. Dion, hier matin, M. Harper a maintenu la position qu'il a maintes fois avancée lors de la dernière campagne électorale: il se fie totalement au système judiciaire militaire américain et il faut laisser le procès de M. Khadr suivre son cours.

 

Le fait que M. Khadr soit le dernier ressortissant d'un pays occidental encore détenu à Guantánamo n'a rien changé à la décision du premier ministre canadien de ne pas intervenir.

M. Dion a fait sa requête au chef du gouvernement dans la foulée de la promesse du président élu américain, Barack Obama, de fermer la prison de Guantánamo. Mais comme il faudra au moins attendre la prestation de serment de M. Obama, le 20 janvier 2009, avant que ne soit prise la décision de fermer ce pénitencier bien particulier, M. Khadr risque d'ici là d'être jugé. M. Dion a fait valoir au premier ministre qu'il vaudrait mieux que le citoyen canadien soit jugé par un tribunal canadien et non par un tribunal considéré comme illégal par de nombreux dirigeants de la communauté internationale.

Selon une source libérale, le premier ministre craint, en rapatriant Omar Khadr, que le système de justice canadien n'ait pas suffisamment d'éléments de preuve pour maintenir le jeune homme en détention. M. Harper estime que la libération d'Omar Khadr «paraîtrait mal», selon notre source. Il semble en effet que les Américains envisagent de libérer rapidement les prisonniers qui n'ont pas encore été accusés de terrorisme, ce qui n'est pas le cas d'Omar Khadr.

Stéphane Dion maintient qu'il appartient au système de justice canadien de juger Omar Khadr. Tous les pays occidentaux, sauf le Canada, ont obtenu de Washington le transfert de leurs ressortissants détenus à Guantánamo afin qu'ils soient jugés dans leur pays respectif.

M. Dion a fait remarquer hier à M. Harper que le président élu Barack Obama risque de décider rapidement de renvoyer M. Khadr au Canada. Que ferait alors le premier ministre du Canada? Dirait-il encore non?

M. Obama, dans un discours diffusé sur son site internet, a promis d'entamer son mandat par la fermeture de Guantánamo Bay. Il soutient que l'usage de la torture dans cette prison a sérieusement compromis l'image de champion des droits de l'homme associée aux États-Unis. Il n'approuve pas les procédés du tribunal militaire de cette prison, qui obtient souvent, contrairement aux tribunaux civils, des aveux de ses captifs en faisant usage de la torture.