Mis à part sa passion précoce pour la politique, rien ne prédisposait Stéphane Dion à devenir chef du Parti libéral.

Tandis qu'il fréquente les salles de classe du département de sciences politiques de l'Université Laval, le politologue en herbe est plutôt attiré par le Parti québécois et son option souverainiste, pour lequel il milite en 1976. «À l'époque, c'était la norme. Je dirais que 90% des étudiants en sciences politiques appuyaient le PQ», se souvient le professeur à la retraite Vincent Lemieux. Sous sa direction, le «garçon distrait et solitaire», pond en 1979 sa thèse portant sur l'évolution de publicités électorales du Parti québécois aux élections de 1976.

Cinq ans plus tard, avec un doctorat en sociologie de l'Institut d'études politiques de Paris, il commence sa carrière d'enseignant à l'Université de Montréal.

Comme son père Léon Dion, politologue réputé qui a conseillé Robert Bourassa sans jamais se lancer en politique partisane, Stéphane Dion semble se plaire dans l'univers universitaire. Le référendum de 1995 change cependant la donne. Aline Chrétien, femme du premier ministre Jean Chrétien, remarque la clarté de son discours fédéraliste lors de ses passages fréquents à l'émission Le Point, de Radio-Canada. À sa suggestion, le premier ministre, qui cherche à tout prix à bloquer la vague souverainiste après le résultat serré du référendum de 1995, invite l'universitaire à le rejoindre. Stéphane Dion accepte et, sans être élu, est nommé ministre des Affaires intergouvernementales en janvier 1996. «On voit immédiatement que Stéphane Dion est un homme d'idées. Ses positions sont catégoriques. Mais il n'est pas l'homme qui peut les porter, il a besoin d'un politicien plus populiste comme Jean Chrétien pour les vendre», note Jean-Herman Guay, politologue à l'Université de Sherbrooke.

La fin du règne de Jean Chrétien, en 2003, a cependant un goût amer pour le député de Saint-Laurent-Cartierville. Écarté du cabinet de Paul Martin, il joue les bons soldats. Après un court purgatoire, il est renommé ministre, cette fois à l'Environnement. Il s'établit alors une solide réputation d'efficacité, particulièrement lors de la 11e conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qu'il préside.

Cet événement lui donne des ailes. En 2006, il annonce qu'il participera à la course à la direction du Parti libéral. Contre toute attente, il se faufile entre Bob Rae et Michael Ignatieff. Le reste est pour lui une descente aux enfers. À l'exception de chefs intérimaires, Stéphane Dion et Edward Blake, qui a été à la tête du parti entre 1880 et 1887, sont les deux seuls chefs libéraux à ne pas avoir été premier ministre du Canada.