Le départ de Stéphane Dion ne surprend personne. Les piètres résultats du Parti libéral aux élections de la semaine dernière ne laissaient guère le choix à son chef, qui a mis fin au suspense hier. M. Dion restera toutefois en poste jusqu'à ce qu'on lui désigne un successeur, probablement le printemps prochain. En attendant, les prétendants à la succession se préparent à livrer ce qui promet d'être une lutte acharnée.

Le chef du Parti libéral, Stéphane Dion, impute sa cuisante défaite aux élections du 14 octobre à la «propagande» des conservateurs qui ont passé les deux dernières années à le dépeindre comme un leader faible qui voulait imposer de nouvelles taxes aux Canadiens.Si le Parti libéral avait eu les moyens financiers de contrer cette offensive publicitaire «importée des États-Unis», M. Dion a dit croire qu'il aurait eu de bien meilleures chances de convaincre les Canadiens de l'élire comme premier ministre.

M. Dion a tenu ces propos hier en confirmant qu'il quittera la barre du Parti libéral dès que les membres de son parti lui auront choisi un successeur, probablement au congrès national prévu en mai 2009 à Vancouver (bien que pour des raisons stratégiques, le PLC pourrait tenir l'événement à Ottawa ou Toronto).

M. Dion a ainsi mis fin à cinq jours de silence après avoir conduit les troupes libérales à leur pire résultat au chapitre des suffrages obtenus dans toute l'histoire du Parti libéral, soit 26%.

Durant cette période de réclusion, M. Dion n'a rencontré qu'un cercle restreint de ses proches collaborateurs et a téléphoné à un certain nombre de députés libéraux afin d'obtenir leur son de cloche. Selon certains libéraux, M. Dion était accablé, blessé et en colère.

Manifestement déçu de la tournure des événements, M. Dion a dit vouloir demeurer à la tête de son parti jusqu'à l'élection d'un nouveau chef afin de s'assurer que son successeur ne soit pas victime des mêmes attaques de la part des conservateurs de Stephen Harper.

«Je vais demeurer chef d'ici là afin d'assurer une transition ordonnée et réussie. (...) La principale raison pour laquelle je veux rester chef, c'est de mettre toute mon énergie à contribution pour s'assurer que les conservateurs ne feront pas au prochain chef ce qu'ils ont pu faire dans mon cas. Nous devons être en mesure de les combattre avec les mêmes moyens qu'eux. Et pour cela, je vais me concentrer en priorité sur les finances du parti qui doivent se moderniser», a affirmé M. Dion.

«Je travaillerai pour que le prochain chef ne soit pas aussi vulnérable que j'ai été aux propagandes de bas étage auxquelles on n'a pas pu répliquer par les faits. Cela ne doit pas arriver une deuxième fois pour le bien du Canada (...) Je n'ai pas réussi comme chef. Mais je veux que le prochain réussisse», a-t-il ajouté.

Dès l'arrivée de M. Dion à la tête du Parti libéral, en décembre 2005, le Parti conservateur a dépensé une fortune en campagne publicitaire pour mettre en doute ses qualités de leadership. Cette offensive, selon M. Dion, a laissé des marques dans l'imaginaire des Canadiens qu'une campagne électorale n'a pu effacer.

En outre, le Parti conservateur a aussi critiqué le Tournant vert proposé par M. Dion, affirmant qu'il s'agissait d'une taxe généralisée même si les libéraux comptaient utiliser l'argent de la taxe sur le carbone pour réduire d'autant les impôts des contribuables et des entreprises.

Selon M. Dion, les libéraux seront toujours désavantagés sur le plan électoral s'ils n'arrivent pas à trouver des moyens originaux de regarnir leurs coffres. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le financement des partis politiques, qui interdit les dons des syndicats et des entreprises, le PLC n'a pas su s'adapter à la culture du financement populaire. Le Parti conservateur, par contre, est passé maître en la matière, récoltant de trois à quatre fois plus d'argent que le PLC par année.

«Le Parti libéral a toujours une grande contribution à faire. (...) On ne peut pas laisser les autres déformer nos politiques ou confondre les gens parce qu'ils ont plus d'argent que nous», a dit M. Dion.

M. Dion a dit accepter sa part de responsabilité dans les résultats décevants du 14 octobre. Mais il a dit que l'élection d'un nouveau chef ne suffira pas à donner un second souffle au Parti libéral. «Nous devons regarder plus loin que la question du leadership pour bien comprendre ce qui s'est passé durant la dernière campagne électorale. Nous devons examiner certaines réalités qui nous rendent mal à l'aise», a-t-il dit, soulignant que les libéraux ont perdu du terrain au cours des trois dernières élections. «Nous devons renverser cette tendance parce que nous devons gagner les prochaines élections.»

En quittant son poste dans environ six mois, M. Dion deviendra le deuxième chef du Parti libéral seulement à ne pas devenir premier ministre. Le premier fut Edward Blake, qui a été chef du Parti libéral de 1880 à 1887.

Malgré la défaite, M. Dion a affirmé avoir vécu plus de hauts que de bas depuis qu'il a fait le saut en politique en 1996. «J'ai eu le privilège de siéger au Conseil des ministres de deux grands premiers ministres, Jean Chrétien et Paul Martin. Des premiers ministres qui ont travaillé chaque jour de leur mandat dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens et pas seulement pour la prochaine élection, mais pour la prochaine génération afin de faire de notre pays un pays meilleur», a dit M. Dion.

Mais le père de la Loi sur la clarté référendaire a refusé de dire s'il sera à nouveau sur les rangs aux prochaines élections. «Une étape à la fois», a-t-il dit en réponse à une question d'un journaliste au sujet de son avenir politique.