Le Canada doit faire pression sur l'Arabie saoudite pour que cessent les coups de fouet qui ont commencé à être infligés au blogueur Raif Badawi, ont clamé en choeur, mardi, une multitude d'organisations, dont Amnistie internationale, le Parti québécois, Québec solidaire, l'Union des écrivains du Québec et la CSN.

Une centaine de personnes ont participé à un rassemblement symbolique au centre-ville de Montréal, mardi, jour du 32e anniversaire de naissance du Saoudien, dont la femme et les trois enfants ont trouvé refuge au Québec.

Vendredi dernier, pendant que le monde avait les yeux tournés vers Paris, Raif Badawi a reçu les 50 premiers des 1000 coups de fouet auxquels il a été condamné pour avoir cofondé le site internet Liberal Saudi Network, un lieu de débats politiques et sociaux.

« On parle beaucoup de liberté d'expression ces temps-ci », a déclaré la directrice générale d'Amnistie internationale pour le Canada francophone, Béatrice Vaugrante, appelant les gouvernements de Québec et Ottawa à « montrer leur horreur » par rapport au sort réservé à Raif Badawi pour s'être simplement exprimé.

Le député Amir Khadir, de Québec solidaire, s'est d'ailleurs insurgé de l'attitude du gouvernement saoudien, dont un représentant a marché au côté du président français François Hollande, dimanche, lors de la marche historique dans les rues de Paris après l'attentat contre le journal Charlie Hebdo.

Ottawa critiqué

Le gouvernement canadien fait preuve d'un « silence honteux » envers ce « châtiment inhumain », a déclaré le vice-président de la CSN, Jean Lacharité, un reproche répété par les différents intervenants.

Le ministre des Affaires étrangères, John Baird, ne s'est pas exprimé sur le sujet, mardi. Un porte-parole de son ministère a cependant répété par courriel que le Canada avait « évoqué » le dossier dans des « échanges » avec l'Arabie saoudite, tel que le rapportait La Presse le 13 décembre. Lundi, le ministre du Développement international, Christian Paradis, avait estimé qu'Ottawa était relativement impuissant, puisque « M. Badawi n'est pas citoyen canadien ».

« C'est justement le genre de discours qu'on ne doit pas entendre, réplique le comédien engagé Vincent Gratton, présent au rassemblement. La montée de l'intégrisme, c'est quelque chose qui nous concerne tous, alors on doit agir. »

L'ancienne diplomate et députée néodémocrate Hélène Laverdière note que le Canada a beaucoup de relations avec l'Arabie saoudite et se trouve donc dans une « situation privilégiée pour parler aux Saoudiens, [exprimer son désaccord] » et demander la libération de Raif Badawi.

La ministre québécoise des Relations internationales, Christine Saint-Pierre, a pour sa part été invitée à faire pression sur son homologue fédéral. « Elle va lui en parler », a indiqué son attaché de presse, François Caouette, qui a toutefois reconnu ne pas savoir quand l'occasion de présenterait.

Deux semaines sans nouvelles

Au milieu des percussionnistes bravant bruyamment le froid, des politiciens et militants prononçant des discours, la femme de Raif Badawi grelotait. S'exprimant en arabe, d'une voix juvénile discrète, Ensaf Haidar a expliqué qu'elle n'a pu parler à son mari depuis deux semaines.

« C'est très dur », a traduit son interprète. Et ce l'est aussi pour les enfants, à qui elle n'a pas encore dit que leur père avait été flagellé en public.