Le président de l'Allemagne, Joachim Gauck, a choqué le Parti québécois en se réjouissant, samedi, que le Québec ne se soit pas séparé du Canada.

Le chef de l'État allemand a fait cette déclaration à l'occasion d'une étape dans la capitale québécoise d'une mission économique qui l'a mené à Toronto et Ottawa au cours des derniers jours.

Dans une allocution, en présence du premier ministre Philippe Couillard, M. Gauck a brièvement évoqué le projet indépendantiste québécois.

Soulignant le rôle important du Québec au sein du Canada, M. Gauck s'est montré satisfait qu'il demeure dans la fédération canadienne.

«Lorsque nous nous sommes préparés à cette visite, nous avons appris le rôle important et particulier que joue votre province, a-t-il dit. Nous sommes également heureux qu'il n'y ait pas eu de séparation de votre province du Canada.»

La députée péquiste Carole Poirier, porte-parole en matière de relations internationales, a estimé que M. Gauck n'avait pas à se prononcer de la sorte dans le cadre d'une visite protocolaire.

«Je trouve ça choquant, a-t-elle dit. [...] On comprend qu'il peut avoir son opinion, on respecte son opinion, mais je pense que ce sont des affaires internes et que ça ne devrait pas être commenté. C'est un commentaire qui n'est pas nécessaire dans l'allocution qu'il venait faire ici, je ne pense pas que ça fait avancer les choses, ce commentaire. On préfère que ce genre de commentaire ne soit pas fait.»

Selon Mme Poirier, l'intervention de M. Gauck est plus grave que la présence de péquistes lors du référendum en Écosse, où certains députés se sont affichés ouvertement en faveur de l'indépendance, dont Bernard Drainville.

«M. Drainville n'est pas allé faire le genre de geste que le président, a-t-elle dit. M. Gauck est président de son pays, ce n'est pas pareil.»

Lors d'un point de presse qui a suivi l'allocution de M. Gauck, M. Couillard a estimé que les propos du chef de l'État allemand trouvent régulièrement des échos ailleurs dans le monde.

«C'est un commentaire qu'on entend assez régulièrement à l'étranger, a-t-il dit. Les gens sont contents qu'au Canada, l'ambiance politique soit stable. Ils reconnaissent cependant très bien le caractère distinct du Québec. Les gens savent très bien qu'au Québec, on a une société distincte francophone, mais en général les gens font ce genre de commentaire.»

Cette déclaration de M. Gauck survient un peu plus d'une semaine après un référendum en Écosse où les électeurs ont rejeté l'option de déclarer leur indépendance pour choisir de demeurer au sein du Royaume-Uni.

Selon M. Couillard, les propos de du président de l'Allemagne au sujet de la séparation du Québec ne constituent pas un cas d'ingérence dans les affaires internes québécoises.

«Je pense que ce serait respecter très peu la capacité de jugement des Québécois que de dire ça, a-t-il dit. [M. Gauck] a exprimé son opinion, c'est la perception que beaucoup de gens à l'étranger ont du Québec et du Canada. Ça ne change pas le débat interne.»

M. Couillard a cependant rappelé que «le choix du Québec quant à son destin, c'est au Québec que ça se fera».

Selon un récent sondage, l'effervescence écossaise a eu pour effet de faire progresser les appuis à la souveraineté au Québec qui, selon CROP, sont passés à 41 %, en septembre, un bond de sept points par rapport à août.

Samedi, le président de la région espagnole de Catalogne, Artur Mas, a ratifié un décret qui prévoit un référendum sur l'indépendance le 9 novembre, malgré l'opposition de Madrid qui considère ce scrutin illégal.

À Québec, samedi, M. Gauck a pris la parole dans une salle du centre des congrès, où des politiciens et gens d'affaires allemands étaient réunis en présence de M. Couillard et de plusieurs de ses ministres.

Après une brève allocution de M. Couillard à propos de ses projets de développement économique du Plan Nord et de la Stratégie maritime, le chef de l'État allemand a exprimé son plaisir d'être au Québec, où le dernier référendum sur la souveraineté remonte à 1995.

«Nous sommes ici au Québec et pour nous c'est une grande chance, c'est un grand plaisir», a-t-il dit.

M. Gauck a souligné samedi les efforts du prédécesseur libéral de M. Couillard, Jean Charest, qui a été un ardent promoteur de l'accord de libre-échange Canada-Union européenne, dont certains aspects sont toutefois contestés par l'Allemagne. Le président allemand n'a cependant pas évoqué ce contentieux.

M. Couillard a affirmé samedi que l'Allemagne est un important partenaire économique du Québec au sein de l'Union européenne, avec qui il espère accroître les échanges notamment grâce au Plan Nord.

Le Plan Nord, qui s'étale sur 25 ans, prévoit 80 milliards de dollars d'investissements, soit 47 milliards de dollars en projets de production d'énergie par Hydro-Québec et 33 milliards de dollars pour le déploiement du secteur minier.

Samedi, M. Couillard a insisté sur l'importance que la majorité des fonds déployés soient des investissements privés, bien que le projet de développement économique s'appuie principalement sur des fonds publics actuellement.

«[Il faut que] la grande majorité des fonds soient privés, a-t-il dit. Actuellement, on est dans une phase baissière pour les cours des métaux, alors c'est le moment de développer les infrastructures. Une chose est certaine, quand les cours baissent ils remontent un jour. Donc, il faut être prêt.»

M. Couillard n'a pas voulu fixer d'objectif pour les investissements privés qu'il souhaite stimuler.

«On va prendre ce qu'il faut, je ne fixerai pas d'argent, d'objectif au dollar près, a-t-il dit. On va faire ce qu'il faut pour que les projets se réalisent.»