L'ancien chef libéral Jean Chrétien semble sceptique quant à la décision de Justin Trudeau de ne pas réserver de circonscriptions pour certains candidats, mais il prend bien soin de ne pas critiquer directement son successeur, disant vouloir éviter de jouer à la «belle-mère».

Chose rare, M. Chrétien a prononcé hier un discours d'appui lors du lancement de la campagne à l'investiture d'un militant de son parti. Bernard Amyot, collègue de M. Chrétien dans le cabinet Heenan Blaikie et ancien président de l'Association du Barreau canadien, souhaite être le candidat du Parti libéral du Canada (PLC) dans la nouvelle circonscription de Ville-Marie lors de la prochaine campagne fédérale.

À deux ans des élections, cette candidature libérale au coeur du centre-ville de Montréal (à l'ouest du boulevard Saint-Laurent) est déjà âprement convoitée. Trois personnes font activement campagne pour le poste, dont un ami de longue date de Justin Trudeau, Marc Miller, un autre avocat de Montréal.

M. Chrétien a choisi de mettre son poids derrière la candidature de M. Amyot: «J'espère qu'il va gagner, mais je ne sais pas qui sont les adversaires», a-t-il dit à La Presse après son bref discours.

Règles différentes

Or, l'ancien chef du PLC et ses successeurs avaient l'habitude de se réserver la possibilité de nommer un certain nombre de candidats dans des circonscriptions jugées plus «sûres». Mais Justin Trudeau a changé la donne: lors de la dernière course à la direction du parti, il a promis que tous les candidats, incluant les députés, devraient être élus par des militants avant de faire campagne sous la bannière libérale dans des élections fédérales.

Interrogé sur cette décision, l'ancien chef libéral est resté prudent - sans se montrer particulièrement enthousiaste quant à la décision de M. Trudeau. «Ce que j'admire, c'est qu'il veuille le faire, a-t-il dit au sujet de M. Amyot et de sa campagne. Peut-être que dans d'autres circonstances, il aurait décidé de ne pas le faire... Parce qu'un gars de sa stature, de décider de vendre des cartes de membre, c'est quelque chose.»

«Les règles étaient un peu différentes à l'époque, a précisé M. Chrétien. J'ai nommé un certain nombre de candidats parce que je voulais m'assurer qu'ils soient là. Aujourd'hui, M. Trudeau dit qu'il ne peut pas le faire. C'est son choix, c'est lui qui est le chef. Moi, je ne suis pas le quart-arrière du lundi matin.»

«Le truc en politique, c'est qu'il ne faut pas que tu veuilles être la belle-mère du successeur», a-t-il tranché.

Charte des valeurs

Dans son discours de lancement, M. Amyot a notamment critiqué ce qu'il a qualifié «d'horrible Charte des valeurs» du gouvernement Marois. M. Chrétien a renchéri lorsqu'il a pris la parole après lui: «Ce que j'ai entendu [...] de Bernard, pour moi, c'était de la musique que je n'ai pas entendue depuis longtemps», a-t-il dit.

«Ç'a été ma carrière, la protection des minorités. Je n'aurais jamais cru qu'il y aurait des gouvernements qui croiraient nécessaire de protéger la majorité. Ce n'est pas de même. On a des chartes, c'est pour protéger les minorités», a-t-il martelé.

Ville-Marie

Le gouvernement Harper a ajouté 30 nouvelles circonscriptions au Canada et Ville-Marie est l'une des nombreuses circonscriptions qui sont nées de ce redécoupage. Autrefois Westmount-Ville-Marie, elle a été séparée de Westmount, et elle englobe maintenant l'île des Soeurs, en plus de conserver le centre-ville de Montréal, à l'est de l'avenue du Parc.

Investitures populaires

Ville-Marie n'est pas la seule circonscription où les candidats tentent déjà d'obtenir la candidature libérale aux prochaines élections. Dans plusieurs autres circonscriptions de la région de Montréal, des candidats ont même mis des sites web en ligne pour se faire connaître et gagner des appuis. Un phénomène que l'organisateur en chef du parti pour le Québec, Pablo Rodriguez, qualifie de surprenant et de rafraîchissant.