La commission parlementaire qui s'est penchée sur l'inversion du flux du pipeline 9B de la compagnie Enbridge ne s'opposera pas au projet. Dans son rapport, rendu public vendredi, elle impose toutefois 18 conditions à l'entreprise.

Parmi les exigences formulées, Enbridge doit s'engager à ne transporter du pétrole qu'aux raffineries situées sur le territoire québécois et sera forcée de déposer ses données d'inspection et les pratiques d'entretien de ses installations.

Semblant avoir tiré des leçons de la catastrophe ferroviaire et environnementale de Lac-Mégantic l'été dernier, la commission a aussi exigé des mesures liées à la sécurité et aux responsabilités environnementales en cas de déversement.

Enbridge devra ainsi fournir un plan de garantie financière suffisant pour couvrir tous les dégâts en cas de sinistre, devra soutenir financièrement les municipalités qui devront mettre à jour leurs équipements d'interventions d'urgence et devra également assurer la formation continue des intervenants de première ligne et tenir des exercices de simulation annuellement.

La commission réclame aussi la mise sur pied d'une unité de vigilance chargée de transmettre les informations relatives à la sécurité de l'oléoduc. La composition de ce comité exclut toutefois les groupes environnementaux puisqu'il sera formé de représentants d'Enbridge, du gouvernement fédéral (et de préférence l'Office national de l'énergie) ainsi que des ministères québécois de l'Environnement, des Ressources naturelles, des Affaires municipales et de l'Agriculture. Aucun opposant au projet ou membres de la société civile n'est prévu dans le rapport de la commission.

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat et énergie à Greenpeace Canada, estime que cette commission n'a pu rendre que des conclusions superficielles. Selon lui, le temps a manqué pour analyser le dossier: les présentations ont été complexes, les convocations lancées à la dernière minute et plusieurs organisations n'ont pu participer. En clair, il estime que plusieurs zones d'ombre n'ont pas été éclaircies.

«La commission a terminé ses audiences jeudi et le rapport a été produit vendredi. Certains enjeux n'ont pas été abordés, dont ceux des gaz à effet de serre. Les délais étaient serrés et la participation limitée», déplore M. Bonin.

Il reconnaît néanmoins que le rapport tente de serrer la vis à Enbridge quant à la sécurité de ses installations, mais il passe en revanche à côté d'une question qu'il juge essentielle, celle des changements climatiques.

En fait, pour Patrick Bonin, Québec a abdiqué son devoir de précaution au profit des retombées économiques.

«Le gouvernement du Québec a mordu à l'argument des raffineries et a cédé au chantage sous l'argument économique. Il a ouvert les vannes pour permettre l'arrivée des sables bitumineux au Québec et l'expansion des sables bitumineux. Cela va à l'inverse de la vision que le Québec s'est donnée», juge M. Bonin.

Chez Équiterre, le directeur Steven Guilbeault considère que même si Québec a recommandé l'inversion du flux du pipeline 9B, Enbridge n'est pas en mesure de parader. Cet aval ne constitue pas un chèque en blanc. Les conditions imposées ont déjà fait l'objet de demandes, par d'autres juridictions, et Enbridge avait chaque fois refusé.

«Pour Enbridge, il a toujours été hors de question de fournir un appui financier aux municipalités pour les aider à mettre sur pied des plans d'urgence ou acheter des équipements nécessaires, affirmant que c'était aux municipalités de faire ça», souligne M. Guilbeault.

Comme son collège de Greenpeace, il regrette le survol rapide sur l'enjeu des gaz à effet de serre. Il avoue qu'il aurait préféré que la commission refuse d'aller de l'avant, mais il se dit convaincu que tout n'est pas encore terminé.

«Le prochain test sera pour le gouvernement du Québec qui devra disposer de ce rapport. Il sera important de voir comment Québec entend s'assurer que les conditions émises par la commission parlementaire seront bien respectées par la compagnie avant de leur donner leur feu vert. C'est toute une bataille qui se dessine en perspective», a-t-il indiqué.

Parmi les conditions avancées par la commission, certaines sont fondées sur des recommandations du Bureau sur la sécurité des transports des États-Unis après un déversement d'un pipeline d'Enbridge à Kalamazoo au Michigan, en 2010. Parmi celles-là, la nécessité d'effectuer des tests hydrostatiques pour vérifier l'état de la canalisation 9B. Cette recommandation n'a jamais été mise en oeuvre à ce jour.