L'ancien chef de la défunte Action démocratique du Québec (ADQ) Gérard Deltell s'est dit «choqué», mardi, mais nullement surpris des révélations de Lino Zambito sur les pratiques de financement illégal à l'ADQ.

Selon le député de Chauveau, M. Zambito a essentiellement répété ce qu'il avait déjà relaté devant la Commission Charbonneau il y a près d'un an au sujet du stratagème de financement par des prête-noms visant tous les partis.

En ce sens, il a avoué ne pas avoir été surpris d'entendre l'ancien entrepreneur éclabousser son ex-formation politique.

«Je ne suis pas nécessairement tombé des nues, mais ce n'est pas parce que je ne suis pas tombé des nues que je n'étais pas choqué (des révélations). C'est le genre de choses que nous ne pouvons accepter et si par malheur c'est survenu, et bien nous assumons nos responsabilités», a-t-il déclaré.

Même si la sonnette d'alarme avait été sonnée par M. Zambito, la Coalition avenir Québec (CAQ), qui a succédé à l'ADQ en 2012, n'a pas cru bon entreprendre une enquête interne sur les pratiques de financement de l'ex-parti, a reconnu M. Deltell.

«On a mis en marche le fait qu'il fallait vérifier, mais les meilleures personnes pour vérifier, c'est au DGEQ (Directeur général des élections du Québec) et le DGEQ a tout le matériel nécessaire pour vérifier», a-t-il fait valoir.

En point de presse, le député Deltell a mis au défi tous les partis politiques de s'engager aux côtés de la CAQ à rembourser les sommes acquises de façon inappropriée depuis les 15 dernières années, soit la période couverte par l'enquête de la Commission Charbonneau. Une motion en ce sens sera débattue mercredi à l'Assemblée nationale. La motion proposera du même souffle d'étendre les pouvoirs du DGE pour l'affranchir du délai de prescription de cinq ans.

La CAQ souhaite que «les pouvoirs (d'enquête) du DGEQ puissent s'appliquer non pas pour les cinq dernières années, mais pour toute la période couverte par la Commission Charbonneau, donc depuis 1997. Les deux partis (Parti libéral du Québec et Parti québécois) ont refusé jusqu'à présent», a soulevé M. Deltell.

Une vérification du DGE rendue publique le printemps dernier a déjà statué que l'ADQ avait reçu 800 000 $ de financement pouvant être lié à l'usage de prête-noms entre 2006 et 2011. La somme est évaluée à 7,3 millions $ pour le PLQ au cours de la même période et à 2 millions $ pour le PQ.

En entrevue à La Presse Canadienne, mardi, le porte-parole du DGE, Denis Dion, n'a pas voulu confirmer s'il y a enquête sur les 800 000 $.

«Je ne peux pas vous confirmer qu'on fait une enquête sur les 800 000 $. Ce que l'on a établi c'est que l'ADQ a effectivement reçu 800 000 $ en financement sectoriel. Une partie de ce financement pourrait être illégale», a-t-il dit.

«Peut-être qu'on fait des enquêtes là-dessus, mais on ne le confirme pas.»

Ex-propriétaire d'Infrabec, M. Zambito a affirmé, dans un reportage télédiffusé lundi à Radio-Canada, avoir amassé illégalement de l'argent pour l'ADQ. M. Zambito a déclaré avoir été contacté en 2008 par Leo Housakos - à l'époque l'un des responsables du financement de l'ADQ et nommé au Sénat en 2008 - pour recueillir annuellement l'équivalent de 30 000 $ pour la formation de Mario Dumont.

M. Zambito aurait demandé à des collaborateurs et à des membres de sa famille d'assumer le rôle de prête-noms. Les chèques étaient par la suite remboursés. En échange de sa générosité, M. Zambito - comme d'autres entrepreneurs - aurait gagné un accès privilégié à M. Dumont.

En réaction, l'ancienne figure de proue de l'ADQ, aujourd'hui chroniqueur dans diverses tribunes, a défendu son innocence. À ses yeux, les partis politiques sont en réalité les victimes du stratagème des prête-noms.

«Je n'ai jamais encouragé les prête-noms, je n'ai jamais accepté les prête-noms, a argué M. Dumont sur les ondes de LCN. S'il y a des gens qui l'ont fait et que le Directeur général des élections (les) attrape dans les prochains mois, ils paieront pour leurs gestes, ce n'est pas mon problème.»

Quant au sénateur Housakos, il a nié lui aussi avoir commis des gestes illégaux pour soutenir l'Action démocratique. Les informations contraires sont «diffamatoires» et «erronées», a-t-il fait savoir.

Gilles Taillon, qui a été le chef de l'ADQ pendant trois semaines en 2009, s'est dit inquiet à l'époque du financement de son parti et s'en est confié à la police.

«On préconisait une commission d'enquête sur la construction et un ménage dans le financement des partis politiques. Et on m'avait rapporté «fais attention à ce que tu dis, Gilles, parce que dans ta propre maison, il y a de ces choses-là'», a-t-il dit en entrevue à La Presse Canadienne.

«Je me suis aperçu qu'il y avait des éléments (...) questionnables. J'aurais fait le ménage si j'étais resté. Mais comme je ne suis pas resté, j'ai dit je vais donner à la police les indications voulues. À cette époque-là, ça faisait un peu spécial d'aller voir la police là-dessus, mais aujourd'hui, je pense que j'étais un gars assez correct de le faire parce que aujourd'hui on s'aperçoit que ce n'était pas beau ce qui se passait.»

À Ottawa, le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a profité de l'occasion pour laisser planer un doute sur l'intégrité du gouvernement de Stephen Harper, responsable de la nomination de M. Housakos au Sénat.

«M. Harper doit répondre pour savoir si le même système a été mis en place pour les conservateurs que ce qui est en train de sortir au niveau provincial à la Commission Charbonneau. On voit que certains des acteurs sont les mêmes, qui étaient très proches du Parti conservateur. Les stratagèmes ont l'air d'être les mêmes et la question se pose, elle est valable», a dit M. Mulcair.

«Il y a cinq sénateurs en ce moment qui font l'objet d'enquêtes sur leur éthique, sur leur comportement, tous nommés par Stephen Harper. Son ancien chef de cabinet, son ancienne directrice des communications et son ancien secrétaire parlementaire sont dans des scandales jusqu'aux oreilles. Il est temps que Stephen Harper commence à accepter sa responsabilité pour les gens qu'il a lui-même nommés», a-t-il ajouté.