Le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu a tenté de convaincre l'administration du Sénat de consentir de plus longues vacances à une employée de l'institution avec qui il entretient une relation amoureuse. Une démarche qui a été rejetée et jugée inappropriée par ses propres collègues.

L'employée en question, Isabelle Lapointe, travaillait dans son bureau jusqu'au mois de mars, lorsque La Presse a révélé l'existence de leur liaison. Selon le conseiller sénatorial à l'éthique, la situation contrevenait aux règles de la Chambre haute. Il leur a recommandé d'y mettre un terme ou de rompre leur collaboration professionnelle.

Mme Lapointe a donc quitté le cabinet de M. Boisvenu. On lui a accordé un emploi au sein des services administratifs du Sénat dont la description de tâche restait à définir. Le sénateur a affirmé publiquement que leur relation affective était terminée.

Or, M. Boisvenu a confirmé à La Presse hier qu'il fréquente de nouveau Mme Lapointe «à l'occasion». Cette semaine, elle a été aperçue arrivant au parlement au volant de la voiture de M. Boisvenu, une Audi décapotable qu'elle a stationnée dans l'espace réservé aux sénateurs.

De plus, au cours des dernières semaines, M. Boisvenu a fait des démarches auprès du greffier du Sénat et du président du comité de la régie interne de la Chambre haute afin de prolonger la durée des vacances consenties à son ancienne employée.

Lors d'un entretien téléphonique avec La Presse, hier, M. Boisvenu a dit avoir effectué ces démarches en raison d'un désaccord sur l'entente qu'il avait conclue en mars avec le sénateur conservateur David Tkatchuk au sujet de l'embauche de Mme Lapointe. Il dit avoir demandé à ce que MmeLapointe puisse rester chez elle pendant deux semaines, le temps que le Sénat définisse ses nouvelles tâches.

M. Tkatchuk est président du comité de la Régie interne, chargé d'appliquer les règlements de la Chambre haute.

Le sénateur Boisvenu et Mme Lapointe étaient alors au coeur d'une tempête médiatique, une expérience qu'il a qualifiée d'éprouvante. L'entente, a-t-il dit, était que «tant et aussi longtemps que la description de tâches n'était pas faite à l'administration, on parle ici de la fin mars, elle prenait un congé sans pénalité, pour vraiment se remettre des évènements qui ont été très difficiles pour elle».

Sauf qu'après son arrivée en poste, ses nouveaux patrons lui auraient dit qu'elle venait d'épuiser sa banque de vacances. Informé de la situation, M. Boisvenu a à nouveau approché son collègue David Tkatchuk, puis le greffier du Sénat, pour enfin prendre la plume et plaider son point de vue par écrit au greffier.

Malaise au Sénat

Selon des sources au courant des tractations, on a alors clairement fait savoir à M. Boisvenu que sa démarche était inappropriée, ce que celui-ci a reconnu sans détour.

«C'est M. Tkatchuk qui m'a répondu en me disant que pour eux, le dossier est clos, a indiqué le sénateur Boisvenu. C'était un ton très sec.»

Le sénateur se défend de s'être servi de sa position pour qu'une institution publique accorde un traitement de faveur à son amie de coeur. C'est pourtant précisément ce que lui reprochent des sources sénatoriales au courant du différend. «Le greffier travaille pour des sénateurs et vous l'appelez pour demander des privilèges pour quelqu'un avec qui vous êtes en relation, a dit l'une de ces sources. C'est de l'influence indue.»

Mais Pierre-Hugues Boisvenu dit avoir agi comme tout ancien patron le ferait à l'égard d'une bonne employée.

Il s'est même dit outré par la manière «disgracieuse», «cavalière» et «impolie» dont M. Tkatchuk et le greffier du Sénat ont traité le dossier.

«C'est un peu un manque de considération», juge-t-il.