Exiger lorsque possible qu'on transforme le minerai en sol québécois. Forcer les sociétés minières à dévoiler les redevances payées et la quantité de minerai prélevé. Imposer une étude environnementale pour chaque mine. Et permettre aux municipalités d'exclure les mines sur une partie de leur territoire.

Voilà les grandes lignes de la réforme de la loi sur les mines déposée mercredi par la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet. Mais les environnementalistes et des municipalités s'inquiètent d'une mesure surprise: Mme Ouellet se garde un droit de regard pour déterminer ces zones d'exclusion.

Le gouvernement dictera des orientations pour diviser le territoire québécois en trois zones: développement minier exclu, autorisé à certaines conditions et autorisé tout court. Les municipalités se doteront ensuite de schémas d'aménagement et appliqueront ces critères. Or, à la toute fin, la ministre aura un droit de veto. «Nous aurons un mot à dire sur ces zones, confirme Mme Ouellet, mais dans le respect des orientations gouvernementales. Ce ne sera donc pas arbitraire ou discrétionnaire.»

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) y voit plutôt un «droit de veto». «Nous sommes surpris et déçus», dit son président Éric Forest. La Fédération des municipalités (FQM) se dit aussi «inquiète» de cet aspect». Mais contrairement à l'UMQ, la FQM accueille dans l'ensemble favorablement le projet de loi.

Les environnementalistes se disent aussi déçus. Selon la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine, le «droit de veto» de la ministre favorisera le lobbying en coulisses de l'industrie minière pour faire accepter des projets. «Et cela contrevient aussi à un principe de développement durable, qui veut qu'on laisse les communautés locales gérer leur développement», ajoute son porte-parole Ugo Lapointe, qui promet de revenir à la charge après une analyse plus détaillée du texte.

Les municipalités et les environnementalistes déplorent aussi que le projet de loi ne s'applique pas aux droits miniers (claims) qui existent déjà. Le projet de loi libéral, dénoncé par l'opposition péquiste et mort au feuilleton, permettait de retirer des droits avec compensation. Québec solidaire aurait souhaité une telle rétroactivité. «Le territoire québécois est déjà essentiellement écrémé par les claims. Il ne reste pas grand-chose. Je ne vois pas ce qu'on protégera dorénavant», dit son député Amir Khadir.

D'autres mesures plaisent toutefois aux municipalités et aux environnementalistes. Parmi elles: soumettre chaque mine à un examen du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), comme c'était aussi le cas dans le projet de loi libéral. Mettre fin à l'expropriation à la phase d'exploration. Forcer les sociétés minières à dévoiler leurs chiffres. Leur demander de garantir 100% des coûts de restauration, pour éviter d'autres sites en ruine comme ceux qui coûtent déjà près d'un milliard de dollar aux contribuables. Et enfin, exiger qu'elles fassent une étude de faisabilité pour déterminer si elles pourraient transformer le minerai en sol québécois. Si le projet de transformation est réalisable et que l'entreprise le refuse, Québec pourrait bloquer la mine. «La transformation crée de trois à quatre fois plus d'emploi (que l'exploitation)», rappelle la ministre. Quatre provinces canadiennes ont déjà opté pour cette voie.

C'est toutefois le principal irritant aux yeux de l'industrie. «Cela fera une fois de plus augmenter les coûts», se plaint la pdg de l'association minière du Québec, Josée Méthot. La mesure vaut aussi pour le renouvèlement d'un bail, ce qui «change les règles du jeu».

Farouchement dénoncées entre autres par l'opposition péquiste, les deux dernières tentatives libérales pour réformer la loi sur les mines sont mortes au feuilleton. Le Parti libéral promet de ne pas faire «d'obstruction» et de collaborer de bonne foi à l'étude du projet de loi. La Coalition avenir Québec s'impatiente de son côté. Elle voudrait que ce projet de loi complexe de 300 articles soit adopté avant le début des vacances estivales.

«On presse les partis politiques à travailler ensemble pour adopter une nouvelle Loi sur les mines, qu'on attend depuis trop longtemps», lance Ugo Lapointe de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine. Il demande en outre à la ministre Ouellet d'adopter un règlement, ce qui ne nécessite pas de vote, pour les mesures sur le BAPE et le financement de la restauration des sites miniers fermés.