Contrairement à ce qu'il avait clamé publiquement, l'ex-député libéral Vincent Auclair a bel et bien accepté l'argent que lui a tendu dans une enveloppe blanche le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, lors des élections partielles dans la circonscription de Vimont, en 2002. Il soutient cependant avoir rapidement demandé à une tierce personne de retourner l'argent.

Comme le révèlent les documents que l'escouade Marteau a soumis à un juge l'automne dernier dans le but d'obtenir un mandat de perquisition et obtenus par La Presse, Vincent Auclair reconnaît avoir «accepté l'enveloppe du maire Gilles Vaillancourt». Ce dernier s'était montré insistant pour aider le nouveau politicien dans sa campagne électorale.

M. Auclair reconnaît avoir dit au maire de Laval que «ce serait sa contribution au parti et que ça se limiterait à cela». «Il a ajouté que ce n'était pas pour ses intérêts personnels ou ceux de ses proches.» La transaction s'est déroulée dans le bureau du maire de Laval en présence d'une personne qui n'a pas été présentée à M. Auclair.

Selon sa déclaration sous serment à la police, M. Auclair «a immédiatement remis l'enveloppe à une personne -dont le nom a été caviardé-, et ce, dans le but qu'il la retourne au maire Gilles Vaillancourt».

Les enquêteurs soulignent que la version du témoignage de M. Auclair a évolué au fil des rencontres. La journée même où il a révélé sur la place publique que Gilles Vaillancourt lui avait offert une enveloppe qu'il avait refusée, le député rencontrait la Sûreté du Québec.

Le 16 novembre 2010, il a soutenu avoir refusé l'enveloppe. En mai 2012, «la version de Vincent Auclair diffère de celle relatée lors des rencontres précédentes», peut-on lire dans les documents. Après deux ans, M. Auclair soutient qu'il ne se souvient pas du «contenu de l'enveloppe». Il est toutefois clair pour l'ex-député qu'elle contenait de l'argent, selon les documents policiers.

Lors des rencontres de l'année dernière avec les enquêteurs, M. Auclair «énumère les conséquences possibles pour un ministre d'accepter de l'argent du maire de Laval, Gilles Vaillancourt: un attachement, des comptes à lui rendre, être plus favorable face à des projets de la Ville de Laval, être lié, perdre son indépendance».

«Ils inventent des choses»

En 2010, le premier ministre Jean Charest s'était porté à la défense de son député, alors whip adjoint. «Je crois le député de Vimont», avait-il affirmé à l'Assemblée nationale, maintenant ainsi la pression sur le maire de Laval pour qu'il abandonne temporairement ses fonctions le temps que la police termine son enquête.

De son côté, Gilles Vaillancourt avait nié formellement avoir proposé de l'argent à M. Auclair et à l'ancien ministre péquiste Serge Ménard. «Ils inventent des choses», avait affirmé M. Vaillancourt.

Serge Ménard avait affirmé la veille de la déclaration de M. Auclair que le maire Vaillancourt avait tenté de lui remettre 10 000$ alors qu'il était candidat pour le Parti québécois dans Laval-des-Rapides. M. Ménard a affirmé avoir refusé l'offre, ce qu'il a répété aux policiers. La rencontre avec Gilles Vaillancourt s'est déroulée à l'hôtel de ville et a duré 30 minutes, selon la déclaration de M. Ménard aux policiers.

M. Ménard a raconté avoir rappelé au maire Vaillancourt la Loi sur le financement des partis politiques. Il est consigné dans les documents que «Gilles Vaillancourt a repris l'enveloppe» et que «ses mains tremblaient, sa figure est devenue rouge et [qu'] il suait abondamment de la figure».

Serge Ménard a souligné aux policiers que Laval est une ville très importante pour le gouvernement. On y compte cinq circonscriptions électorales dont quatre sont considérées comme des baromètres.

À Laval, ce genre d'offres faites aux candidats aux élections provinciales ont été plus nombreuses que celles déjà connues, selon ce qu'on peut lire dans les documents que La Presse a obtenus. Le nom des politiciens ainsi que de larges pans de ce qu'ils révèlent ont toutefois été biffés. Les témoignages recueillis impliquent au moins un candidat «ministrable» ainsi le chef de cabinet du maire Vaillancourt.

La Presse a tenté sans succès de joindre M. Auclair afin d'avoir ses commentaires.