Québec Solidaire fera cavalier seul aux prochaines élections provinciales, sans alliance électorale avec quelque parti que ce soit et avec la profonde conviction que le Québec est «prêt à tourner la page sur le Parti québécois».

Les 600 militants du parti réunis en congrès à Montréal cette fin de semaine ont voté une résolution ferme qui empêche toute entente ponctuelle avec le Parti québécois (PQ) ou Option nationale.

«Je comprends tellement», a laissé tomber dans un soupir la coporte-parole du parti, Françoise David, qui s'était pourtant dite ouverte à de tels armistices électoraux vendredi. «Amir [Khadir] et moi, on passe notre temps à dénoncer les choix des péquistes. Nos militants voient la même chose que nous, et ça ne leur donne pas la moindre envie de garder la porte ouverte.»

Quant au parti Option nationale, il a perdu l'assentiment des solidaires en choisissant d'écarter la lutte à la pauvreté de ses priorités, notamment. «On dirait qu'ils se cherchent une tactique. On mène cette lutte à travers toutes nos actions», a réagi le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, en entrevue avec La Presse. «Ils auraient pu dire qu'ils ne veulent tout simplement plus d'alliances, maintenant que Mme David a été élue. C'est malheureux, mais Québec solidaire met ses intérêts de parti avant la cause souverainiste.»

Au dernier congrès des solidaires, en décembre 2012, la décision d'envisager des accords «plus larges» que de simples ententes électorales avec Option nationale avait été prise. À présent, non seulement Québec solidaire dit demeurer un ardent défenseur de la souveraineté - le parti sera d'ailleurs représenté au Congrès de la convergence nationale, sur l'indépendance, comme prévu -, il assure être prêt à défendre l'indépendance seul.

Pour Jean-Martin Aussant, il y a dans cet isolement politique un désaveu des valeurs souverainistes des solidaires. «On attendait de voir si les autres formations qui se disent souverainistes voudraient faire des ententes ponctuelles, parce que ça aurait changé nos choix. On serait allé là où il y a des fédéralistes», a expliqué celui qui se présentera dans une circonscription montréalaise aux prochaines élections. «Mais puisque les ententes, c'est fermé, on fera nos choix à nous, et ils seront différents», a-t-il ajouté, sans toutefois s'avancer sur les noms des circonscriptions où il envisage de se présenter.

De l'aveu de Françoise David, la candidature de Jean-Martin Aussant dans une circonscription montréalaise n'a pas «pesé lourd dans la balance» lors des débats sur les alliances électorales. «On a fait la preuve qu'on a des propositions concrètes, fiables et réalisables. On dit aux gens de tourner la page du PQ et de venir chez nous. À ce moment-là, on ne parlera plus de la division du vote souverainiste», a-t-elle affirmé.

Un nouveau président

Québec Solidaire a par ailleurs profité de son congrès pour élire son nouveau porte-parole et président, Andrés Fontecilla. Le candidat de Laurier-Dorion a ainsi succédé à Françoise David, qui a quitté ce poste quand elle a hérité du titre de porte-parole parlementaire, auparavant occupé par Amir Khadir. André Frappier avait assuré l'intérim en attendant l'élection.

«Andrés est très rassembleur, très humain», a déclaré la députée de Gouin à propos de son collègue. «D'origine chilienne, il a connu la dictature dans son pays natal, ce qui le rend très attaché à la démocratie et la liberté d'expression.»

Andrés Fontecilla est arrivé au Québec en 1981, et il a surtout fait carrière au sein d'organismes communautaires. Il a récolté 24% des voix de sa circonscription aux dernières élections provinciales, contre 34% pour le député actuel, le libéral Gerry Sklavounos. Au sujet de son opposant politique, M. Sklavounos a déclaré qu'Andrés Fontecilla allait désormais être en mesure de séparer son travail en politique et dans le milieu communautaire, «car il est parfois difficile de savoir il parle en quel nom». Il ne s'inquiète pas outre mesure de la visibilité dont bénéficiera désormais son adversaire, disant conserver sa stratégie actuelle et ne rien tenir pour acquis d'une élection à l'autre.

Outre Andrés Fontecilla, David Fortin-Côté, Alexandre Leduc et Yvan Zanetti étaient sur les rangs pour obtenir le poste de coporte-parole et président de Québec Solidaire. Plusieurs militants avaient confié samedi à La Presse qu'Alexandre Leduc, qui s'est présenté pour le parti dans Hochelaga-Maisonneuve en 2012, était considéré comme le favori à l'interne.

Rappelons que les statuts de Québec solidaire stipulent que le parti n'a pas de chef, mais plutôt deux porte-parole: l'un issu de l'aile parlementaire, l'autre de l'aile militante. C'est ce dernier qui assume également la présidence du parti. Dans un souci de parité, un homme et une femme doivent se partager ces deux postes. Puisqu'Amir Khadir a passé le flambeau à Françoise David pour le poste de porte-parole parlementaire en novembre dernier, le parti devait élire un homme au poste de porte-parole réservé aux militants.