Étranglé par le carcan du déficit zéro, le gouvernement Marois fait tomber le couperet sur l'une de ses vaches sacrées: les centres de la petite enfance (CPE). Ils subissent des compressions de 37,9 millions, une coupe de 3,5%, a appris La Presse.

Québec sabre également les subventions aux garderies privées de 18,3 millions. Au total, les coupes atteignent 56,2 millions pour l'ensemble du réseau.

L'Association québécoise des CPE (AQCPE) se dit «trahie» par la mère des CPE, Pauline Marois. «C'est la pire attaque de l'histoire des CPE, et elle est faite par celle qui a lancé ce réseau il y a plus de 10 ans», a tonné son directeur général, Louis Senécal.

Il promet que «le réseau des CPE va se mobiliser comme jamais un réseau ne s'est mobilisé». «Le printemps érable de Mme Marois commence!», a-t-il lancé.

«Absolument tous les moyens seront utilisés» pour faire pression sur le gouvernement, y compris des journées de fermeture dans les CPE. «Les parents assurent la croissance économique du Québec parce que leurs enfants sont en CPE. Quand ils se retrouveront sans service et dans les rues avec leurs enfants, ça va faire beaucoup plus mal que les étudiants qui ont attiré l'attention l'an dernier», a soutenu M. Senécal.

La ministre de la Famille, Nicole Léger, et sa directrice de cabinet, Lucie Papineau - ancienne députée -, ont annoncé jeudi aux représentants des garderies les «réaménagements budgétaires». Et hier, le sous-ministre adjoint, Jacques Robert, et la directrice du financement des services de garde, Carole Vézina, leur ont donné des précisions sur ces compressions qui s'appliqueront à compter du 1er juillet.

Les garderies devaient pourtant échapper au couperet en 2013-2014, selon le budget Marceau déposé le 20 novembre dernier. «C'est de la fausse représentation, un mensonge», a affirmé Louis Senécal. Québec annonçait une hausse de 3,4% du budget du ministère de la Famille. Les subventions des CPE doivent passer de 1,087 à 1,112 milliard, une hausse de 2,3% (25 millions).

Mais cette augmentation s'avère insuffisante pour à la fois payer les coûts de système - comme la progression salariale du personnel - et financer la création de nouvelles places à 7$ par jour. Les compressions sont donc nécessaires pour un gouvernement qui tient mordicus à retrouver l'équilibre budgétaire en 2013-2014.

Selon un document du Ministère, les coupes représentent environ 25 000$ pour un CPE de 80 places dont 25% des enfants sont âgés de 4 ans. L'AQCPE a fait ses propres calculs et arrive plutôt à 32 000$. C'est presque le salaire moyen d'une éducatrice qui est autour de 35 000$.

CPE en déficit

Les compressions sont d'autant plus imposantes que la moitié des CPE enregistrent un déficit d'exploitation. Il se chiffrait à 34 000$ en moyenne en 2010-2011, pour des déficits totaux de 13,4 millions cette année-là. Les subventions de fonctionnement versées par Québec n'ont pas suivi la hausse des coûts des CPE au fil des ans. «Il y a des CPE qui risquent la fermeture avec les compressions. C'est intenable pour plusieurs, surtout en région», estime M. Senécal.

Des CPE ont toutefois accumulé des surplus dans le passé. Le Ministère croit que 80% en ont, et il chiffre les surplus à 222 millions. Des 37,9 millions de compressions, 6,6 millions seraient puisés dans ces surplus. Ces derniers servent bien souvent de fonds de roulement, notamment pour l'entretien des bâtiments.

Maternelle à 4 ans

Nicole Léger a informé le réseau de ces coupes au même moment où sa collègue de l'Éducation, Marie Malavoy, déposait un projet de loi destiné à instaurer progressivement la maternelle à 4 ans à temps plein dans les milieux défavorisés. Les deux événements semblent liés. Car le gouvernement crée un nouveau barème de subventions, réduit, pour les enfants de 4 ans afin de dégager 31,3 millions dans les CPE. À l'heure actuelle, il n'existe qu'un barème pour l'ensemble des enfants de plus de 18 mois (39$ par jour). Plus du quart des enfants qui fréquentent les CPE ont 4 ans, le groupe d'âge le plus nombreux. Pour Louis Senécal, «le financement des maternelles 4 ans est clairement fait avec les budgets des CPE».

Le gouvernement Charest avait lui aussi imposé des compressions de 40 millions aux CPE en 2005. Pauline Marois, à l'époque députée de Taillon et candidate à la direction du Parti québécois, était furieuse. «Le gouvernement actuel accable injustement ce réseau, s'apprêtant même à le démanteler!», avait-elle accusé.

De leur côté, les garderies privées doivent faire une «rationalisation de leurs dépenses» de 3,4 millions. Le financement pour les enfants de 4 ans est également réduit, une coupe de 14,9 millions.