L'ancien ministre péquiste François Legault se donne jusqu'à la fin de l'année pour établir un consensus sur ce qu'il convient de faire afin de «remettre le Québec en marche». Une fois que la population se sera entendue sur les «rénovations majeures», on décidera «qui va les faire», a dit hier le codirigeant de la Coalition pour l'avenir du Québec.

M. Legault et l'homme d'affaires Charles Sirois ont finalement levé le voile hier sur le «manifeste» de leur groupe de réflexion. En tout, 10 personnes se sont jointes au tandem, dont deux seulement jouissent d'une certaine notoriété en dehors de leur milieu immédiat: Bruno-Marie Béchard Marinier, ancien recteur de l'Université de Sherbrooke, et Jean-François Simard, ex-ministre délégué à l'Environnement sous Bernard Landry.

Le manifeste - un texte de huit pages - invite les Québécois à mettre de côté la question nationale pour s'attacher d'urgence à quatre priorités: l'éducation, la défense du français, l'amélioration de l'efficacité des services publics (notamment en éducation et en santé) et, enfin, la reprise en main de l'économie.

François Legault n'a pas l'intention d'intervenir quotidiennement dans le débat public pour répondre à d'éventuels détracteurs - les syndicats, le Parti québécois et le gouvernement libéral ont dès hier annoncé leurs couleurs. En revanche, celui qui a cofondé Air Transat compte d'ici à l'été passer pas mal de temps à consulter les régions autour du manifeste, une démarche «prenante». La Coalition avait déjà son site internet, hier, et elle est inscrite à Facebook comme à Twitter.

Legault garde les coudées franches pour l'avenir: «Personnellement, je n'exclus rien pour l'avenir. On est des gens d'action, on veut que le plan qu'on va produire soit réalisé. On va interpeller les partis en place et on verra ce qu'on fait devant leurs réponses.»

Charles Sirois, lui, a été plus limpide: les partis qui voudront prendre les idées de la Coalition sont les bienvenus. D'entrée de jeu, l'homme d'affaires a remercié l'ex-politicien François Legault «pour sa collaboration». Le patron de Télésystème n'a pas l'intention de se lancer en politique. Même sa participation à la consultation sera minimaliste: «J'irai à Chicoutimi», a lancé, ironique, l'ex-Saguenéen.

Indépendants de fortune

Tous deux indépendants de fortune, MM. Legault et Sirois ont jusqu'ici soutenu financièrement les balbutiements de la Coalition. Ils comptent bien être remboursés jusqu'à hauteur de 1000$, la contribution maximale prévue pour les partis politiques, une règle que le groupe entend respecter. On publiera les noms des donateurs à la fin de l'année.

«Dans les prochaines semaines et les prochains mois, cela va bouger, au Québec», promet François Legault, qui refuse de dire s'il a parlé à l'adéquiste Gérard Deltell, à Lucien Bouchard ou même à Pierre Karl Péladeau. «Je n'ai pas à dévoiler les personnes que j'ai rencontrées.»

Pour le groupe, «le cul-de-sac de la question nationale» ne devrait pas empêcher les politiciens d'agir. Il faut «sortir du déni et prendre acte de l'état des lieux»; ni le renouvellement du fédéralisme ni la souveraineté «n'adviendront dans un avenir prévisible», croit M. Legault.

Donc, «il faut trouver un espace de compromis pour mettre fin au dialogue de sourds».

Indépendantiste depuis l'adolescence, M. Legault croit encore que la souveraineté est une option «légitime». «Mais la volonté de la population n'est pas là... Il faut sortir du déni, on ne peut pas attendre continuellement le Grand Soir. Un souverainiste est quelqu'un qui travaille à faire avancer la souveraineté du Québec... je ne réponds plus à cette description», a-t-il dit.

Deux ans après son départ de la politique, les inquiétudes de François Legault «sont encore plus grandes»: «Le Québec est plus que jamais dans une impasse. Ce n'est pas seulement du cynisme; les Québécois ont perdu confiance dans les décideurs politiques.»