Reconnu pour ses déclarations mordantes, le député libéral de la Nouvelle-Écosse Scott Brison a lancé un véritable cri de désespoir sur son compte Twitter mardi, à quelques heures de l'ajournement des travaux de la Chambre des communes pour l'été.

«Ça sent tellement la putréfaction durant la période de questions que je sens le besoin de prendre une douche chaque jour à 3h pile. James Moore et cie s'éclaboussent eux-mêmes.»

Cette déclaration du député libéral de Kings-Hants illustre le ton acrimonieux qui a atteint son paroxysme en fin de parcours de la session du printemps, marquée par le scandale des dépenses des sénateurs, la mini-révolte de députés conservateurs contre l'emprise du bureau du premier ministre sur leur liberté de parole, l'arrivée de Justin Trudeau à la tête des libéraux et la guerre de tranchées entre les néo-démocrates de Thomas Mulcair et les conservateurs de Stephen Harper.

Toutes les tactiques ont été utilisées pour miner la crédibilité de l'adversaire. 

Par exemple, les conservateurs ont affirmé que la corruption au Québec n'aurait jamais pris l'ampleur que l'on connaît aujourd'hui si Thomas Mulcair avait signifié aux policiers l'offre d'une enveloppe par l'ancien maire de Laval Gilles Vaillancourt, il y a 19 ans. Mais c'était la manière la plus simple de répliquer aux assauts soutenus du NPD sur l'abus des fonds publics de certains sénateurs nommés par le premier ministre.

Usure du pouvoir

Chose certaine, le gouvernement Harper vient de traverser la session la plus éprouvante depuis son arrivée au pouvoir en 2006. 

La discipline des troupes, qui était la marque de commerce des conservateurs alors qu'ils étaient minoritaires, a pris du plomb dans l'aile. 

Les partis de l'opposition y voient un signe indéniable de l'usure du pouvoir, ce virus qui frappe tout gouvernement installé aux commandes depuis plusieurs années.

Stephen Harper veut donner un second souffle à son gouvernement en remaniant en profondeur son cabinet au début juillet et en présentant un nouveau discours du Trône au Parlement à l'automne.

Du même coup, le premier ministre cherchera à faire valoir l'expérience de son gouvernement sur le plan économique, la meilleure carte des conservateurs pour obtenir un autre mandat majoritaire en 2015. L'absence de traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne, malgré quatre ans de négociations, commence toutefois à saper cette carte. 

D'autant plus que les États-Unis et l'Union européenne comptent lancer les négociations de libre-échange en juillet.

Les vieux démons

Mais l'odeur de «putréfaction» que dénonçait cette semaine le député Scott Brison reviendra rapidement aux Communes, encore une fois gracieuseté des sénateurs.

Le rapport de la firme Deloitte sur les frais de voyage élevés de la sénatrice Pamela Wallin, nommée par Stephen Harper en 2008, sera rendu public en août. 

La cause du sénateur Patrick Brazeau, qui est accusé de voies de fait et d'agression sexuelle, doit reprendre le 9 octobre. 

Le vérificateur général, Michael Ferguson, doit entreprendre un examen exhaustif des dépenses des sénateurs au cours des prochains mois et pourrait débusquer d'autres cas de fraude. Sans compter que la GRC a ouvert une enquête criminelle sur les agissements de Nigel Wright et Mike Duffy.

Le nouveau cabinet Harper pourra-t-il se défendre adéquatement contre ces mêmes vieux démons?

Seul parti à réclamer l'abolition du Sénat, le NPD de Thomas Mulcair continuera de frapper sur le clou de la probité et de la transparence à l'automne. M. Mulcair voudra, comme il l'aura tenté de le faire au printemps au plus fort de l'affaire Wright-Duffy, démontrer qu'il est le véritable leader de l'opposition et la meilleure option de rechange aux conservateurs.

Bataille de ruelle

Pour leur part, les libéraux poursuivront leur travail de reconstruction, qui semble s'accélérer depuis l'arrivée de Justin Trudeau. L'argent sonnant est plus facile à récolter depuis sa victoire, signe indéniable de l'intérêt des électeurs pour le fils de l'ancien premier ministre Pierre Trudeau. 

L'automne pourrait bien être marqué par une bataille de ruelle entre le Parti libéral et le NPD dans les circonscriptions de Bourassa au Québec et de Toronto-Centre en Ontario, vacantes depuis les démissions des députés libéraux Denis Coderre et Bob Rae.

Une défaite dans l'un ou l'autre de ces bastions libéraux au profit du NPD lors d'une élection partielle pourrait déstabiliser le Parti libéral. Et permettre aux troupes de Thomas Mulcair de rêver un peu plus au pouvoir.