La firme Dessau a décroché près de 20 millions de dollars en contrats de consultation depuis l'arrivée au pouvoir des conservateurs de Stephen Harper, selon des documents obtenus par le Nouveau Parti démocratique (NPD).

L'ancien vice-président de cette entreprise, Rosaire Sauriol, a déclaré sous serment à la commission Charbonneau le mois dernier qu'un stratagème de fausses factures destiné à remplir les coffres des partis politiques était aussi en vigueur sur la scène fédérale.

La Commission se penche sur les relations entre l'industrie de la construction, les administrations municipales et le gouvernement provincial. Son mandat ne s'étend toutefois pas au fédéral. Résultat: les révélations de M. Sauriol n'ont donc pas été explorées davantage.

Durant son témoignage, le vice-président a admis que Dessau avait participé au financement illégal des partis politiques, notamment du Parti libéral du Québec et du Parti québécois, et avait aussi été à l'oeuvre sur la scène municipale dans les villes de Montréal, Longueuil, Laval, Blainville, Saint-Jérôme, entre autres.

Interrogé par le procureur de la Commission Denis Gallant pour savoir s'il y avait également «un certain financement qui se faisait au niveau fédéral», M. Sauriol a répondu: «oui».

98 contrats

Selon les documents obtenus par le NPD et consultés par La Presse, Dessau a obtenu 98 contrats de consultation pour un total de 19,2 millions auprès du ministère des Travaux publics entre janvier 2006 et décembre 2012. Cette somme n'inclut pas des types de contrats autres que ceux de consultation, qui pourraient aussi avoir été attribués à la firme durant la même période.

Du nombre, 20 ententes sont toujours en vigueur, pour un total de 6,7 millions.

Pour obtenir ces documents, la députée Marjolaine Boutin-Sweet avait demandé au ministère des Travaux publics la valeur des contrats de consultation accordés à sept firmes dont les noms ont été évoqués durant les travaux de la Commission, dont Simard-Beaudry, Louisbourg Construction, CIMA+ et Garnier Construction.

Dessau arrive au premier rang parmi ce groupe. CIMA se classe deuxième avec 47 contrats, dont 9 actifs, pour un total de près de 9 millions.

Ottawa à l'écoute

Le gouvernement fédéral a beau ne pas être visé par le mandat de la commission Charbonneau, mais La Presse a appris que le ministère des Travaux publics avait mis sur pied une unité spéciale de fonctionnaires afin de suivre attentivement les travaux de la Commission. Ces fonctionnaires décortiquent, analysent et passent en revue les révélations souvent explosives de malversations qui éclaboussent certaines entreprises, afin de déterminer leurs liens avec le ministère des Travaux publics.

Et il n'y a pas que le ministère des Travaux publics qui s'intéresse à ce qui se passe au Québec. «Nous suivons les délibérations de la commission Charbonneau», a aussi reconnu hier le porte-parole d'Élections Canada, John Enright. «Le commissaire aux élections fédérales n'entend pas confirmer ou infirmer qu'une plainte a été reçue ou qu'une enquête est en cours», a-t-il cependant ajouté.

«Selon la limite permise»

Un porte-parole du Parti conservateur, Fred DeLorey, a affirmé hier que «nous n'acceptons que les dons individuels, selon la limite permise». Au bureau de la ministre Rona Ambrose, un porte-parole, Michael Bolkenius, a souligné que le gouvernement fédéral s'est donné de nouveaux outils pour écarter les entreprises qui ne respectent pas les règles.

«Notre gouvernement a mis en place des mesures pour assurer l'utilisation appropriée de l'argent des contribuables. Ces mesures comprennent un cadre d'intégrité pour assurer que nous ne faisons pas affaire avec des criminels. En effet, nous avons récemment allongé la liste des infractions qui rendent les entreprises et les personnes inadmissibles à soumissionner des contrats», a-t-il dit.

Dessau n'avait pas répondu à nos questions au moment de mettre en ligne.

Le ministère des Travaux publics est responsable d'attribuer des milliards de dollars en contrats d'achat de biens et services chaque année au nom des nombreux ministères et agences du gouvernement. L'an dernier, la valeur totale des contrats a frisé les 21 milliards de dollars.

- Avec William Leclerc