Le gouvernement Harper a refusé de suspendre sa réforme controversée de l'assurance-emploi, mercredi soir, au terme d'une rencontre entre la ministre fédérale Diane Finley et son homologue québécoise Agnès Maltais.

La rencontre a eu lieu au terme d'une journée de mobilisation qui a vu une quarantaine de gens d'affaires, de représentants d'organismes communautaires et d'élus municipaux converger sur Ottawa pour contester la réforme.

La ministre provinciale de l'Emploi, de la Solidarité sociale et du Travail, Agnès Maltais, souhaitait qu'Ottawa mette le projet sur la glace le temps de mener des études d'impact. Elle est sortie vivement déçue du meeting.

«Le Québec au complet dit qu'il y a un problème avec cette réforme, et elle nous dit que nous n'avons pas compris la réforme, a dénoncé Mme Maltais en soirée. Je pense que j'étais en droit de m'attendre à mieux aujourd'hui.»

Les nouvelles règles stipulent que les prestataires fréquents de l'assurance emploi doivent accepter un emploi qui paie jusqu'à 30% de moins que leur salaire habituel. Ils doivent aussi accepter un emploi qui se trouve à moins d'une heure de route de leur lieu de résidence.

Cette nouvelle règle va entraîner des coûts supplémentaires pour l'État québécois, estime Mme Maltais. D'abord parce que les chômeurs qui seront privés de prestations se retrouveront sur l'aide sociale. Ensuite parce que l'angoisse engendrée par les changements entraînera une demande accrue pour les soins de santé.

Québec entend suivre de près les effets de la réforme.

Par voie de communiqué, la ministre Finley a encore une fois défendu sa réforme.

« Ces changements précisent la responsabilité des prestataires de l'assurance-emploi de chercher du travail; il s'agit d'une responsabilité qu'ils ont toujours eue », a-t-elle déclaré.

En point de presse, son collègue aux Anciens combattants, Steven Blaney, a affirmé qu'Ottawa avait mené des études pour élaborer la réforme. Son gouvernement s'engage à « suivre minutieusement l'implantation de la réforme ».

La ministre Maltais se dit convaincue que de telles études n'existent pas.

Les propos des ministres conservateurs n'ont d'ailleurs guère rassuré les élus municipaux, syndicalistes, gens d'affaires et représentants des organismes communautaires venus rencontrer la ministre Finley sous la bannière de la Coalition sur l'assurance-emploi de l'Est-du-Québec.

Le porte-parole du groupe, Bertrand Berger, a qualifié de «plus que mince» le bilan de sa rencontre avec Mme Finley.

«C'est un gouvernement majoritaire, c'est un gouvernement qui n'a pas beaucoup d'assises au Québec et qui fait actuellement ce qu'il veut, a-t-il dénoncé. Il y a peu d'écoute de sa part.»



Tous les arguments que son groupe a soulevés pour convaincre les ministres Finley et Blaney de faire marche arrière ont été rejetés, qualifiés de « mythes » ou de « mensonges », relate M. Berger. Il a d'ailleurs déploré le comportement du ministre Blaney au cours de la rencontre.

«M. Blaney dit des choses qui sont absolument invraisemblables, a-t-il dit. Il ne connaît pas le dossier, il dit n'importe quoi. C'est dans ce sens-là que je dis qu'il est une nuisance dans le cadre d'une rencontre comme celle-là.»

La Coalition soutient que la réforme de l'assurance emploi créé un climat de «harcèlement» qui forcera des centaines de personnes à quitter leur lieu de résidence pour rechercher du travail ailleurs. Cette situation risque, à terme, d'amplifier l'exode rural et d'asphyxier l'économie de certaines régions.

Plus tôt dans la journée, les partis de l'opposition ont de nouveau pris le gouvernement Harper à partie. Le chef néo-démocrate, Thomas Mulcair, a rappelé que la réforme conservatrice touchera tout particulièrement le Québec, où vivent 40% des travailleurs saisonniers.

« Il y a un trou noir qui se dessine sur l'horizon d'ici quelques semaines pour de nombreuses familles à travers le Québec et le Canada, dans les régions ressources, notamment », a dénoncé M. Mulcair.

« Ce qui se passe n'est pas seulement un affront aux travailleurs, pas seulement un affront aux chambres de commerce, ce n'est pas seulement un affront aux gens d'affaires et aux autres, qui viennent de l'avant, c'est un affront à la nature de la fédération elle-même, a renchéri le chef libéral, Bob Rae. Tout ce que le gouvernement fait, c'est d'épargner de l'argent sur le dos des provinces et sur le dos des travailleurs. »

Le premier ministre a défendu sa réforme.

« Nous nous assurons dans notre système que, lorsque les sans-emploi, lorsque les gens ont cotisé dans le système ne peuvent trouver un emploi dans leur région qui correspond à leurs aptitudes, alors l'assurance-emploi sera là pour eux, a déclaré Stephen Harper aux Communes. Nous déployons aussi de plus grands efforts pour aider les sans-emploi à trouver des emplois lorsque des emplois sont disponibles. »

Le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, a pour sa part appelé la ministre Finley à faire preuve d'ouverture face aux demandes de Québec dénonçant le « saccage de l'assurance emploi dans les régions et dans le travail saisonnier ».