Une entreprise montréalaise s'apprête à déployer une nouvelle technologie de récupération et de réutilisation du polystyrène, ce fameux « plastique numéro 6 » qui constitue un vrai casse-tête pour les recycleurs. À la tête de Polystyvert, Solenne Brouard Gaillot est notre personnalité de la semaine.

« Et au fait, ça se recycle ou pas ? »

Qui ne s'est pas posé mille fois cette question, à voix haute ou pas. Planté devant le bac de recyclage. Perplexe.

On aimerait pouvoir tout y mettre, dans ce bac, mais il y a des matières, on le sait, qui sont encore vouées à l'enfouissement plutôt qu'à la récupération, et certains plastiques en font partie. Mais peut-être plus pour très longtemps.

Une entreprise montréalaise est en effet en train de faire de grands pas pour permettre le déploiement à vaste échelle d'une technologie de récupération et de réutilisation du polystyrène, ce fameux matériau dont on fait notamment la styromousse, mais aussi d'autres emballages, matériaux isolants et compagnie, que ce soit ces panneaux roses que l'on voit partout en construction ou les fameuses barquettes à légumes ou à viande dans les supermarchés.

Récemment, Polystyvert, l'entreprise fondée en 2014 et dirigée depuis par notre personnalité de la semaine, Solenne Brouard Gaillot, a conclu une ronde de financement de 11 millions et accueilli deux nouveaux investisseurs: un groupe américain et le fonds d'investissement de Lino Saputo, Quadriam.

Pour cela, Saputo a pris 12 % de capital-actions. Il faut dire que les emballeurs de produits laitiers font partie de ceux qui utilisent ce fameux « plastique numéro 6 » qui constitue un tel casse-tête pour les recycleurs et les utilisateurs en quête de solutions de rechange sensées sur les plans tant économique qu'écologique.

Parce que pour le recycler, il faut le remettre en état d'être du plastique, avec les mêmes propriétés, sans contaminants, prêt à utiliser exactement comme au point de départ.

C'est ce qu'ont réussi à faire les équipes de Polystyvert, avec l'aide du chimiste Roland Côté, de l'ingénieur Jon Caplan et de Marianne Lépinoit, directrice des finances de l'entreprise. Maintenant, le défi est de vendre cette technologie pour la déployer. Les nouveaux fonds seront destinés à cette étape.

Mais ça s'annonce bien. Polystyvert, a expliqué Mme Brouard Gaillot en entrevue, travaille déjà avec Total Europe, le géant français du pétrole, qui oeuvre notamment dans le développement et la commercialisation des polymères. « Ils s'intéressent au recyclage parce que la réglementation européenne les pousse vers ça », dit la chef d'entreprise.

Le but de Polystyvert est ainsi de convaincre ceux qui travaillent avec ces plastiques d'adopter la technologie en démonstration dans la nouvelle usine de la société, à Anjou. Là, on montre que le procédé est praticable à grande échelle, qu'il fonctionne vraiment et que tout ceci peut être profitable.

L'inauguration officielle de la nouvelle usine aura lieu en août.

Solenne Brouard Gaillot est née à Metz, dans l'est de la France, une région très industrielle. Ses racines de femme d'usine, elles viennent de là. Dans sa famille, sa mère est médecin, mais son grand-père travaillait chez ArcelorMittal, le géant de la sidérurgie. Elle-même a déjà travaillé dans une aciérie en Allemagne. Elle raconte qu'enfant, pour elle, « travailler », c'était faire quelque chose dans une usine. « Pour moi, quand j'avais 8, 10 ans, aller dans un bureau, ce n'était pas un vrai travail », dit-elle en riant.

La mère de deux enfants, qui a aujourd'hui 38 ans, est venue au Québec, à Sherbrooke, pour terminer des études amorcées à l'École supérieure de commerce de Rennes. Et elle n'en est plus jamais repartie.

Elle a créé sa société entre deux bébés, après avoir travaillé notamment chez Bombardier et un de ses fournisseurs Avior, pour réaliser qu'elle avait vraiment la fibre entrepreneuriale.

« Au début, c'était difficile », raconte-t-elle. Elle se payait peu, essayait de conjuguer boulot et famille. « C'était rock and roll. »

« Mais c'est le meilleur exemple à donner aux enfants. Ne pas lâcher quand c'est quelque chose auquel on croit. Ça valait la peine. »

« Imaginez, laisse-t-elle tomber, si on arrivait ainsi à faire ce qu'on peut pour aider à contrer le réchauffement climatique. »

Quand elle ne travaille pas, Mme Brouard Gaillot fait souvent de la randonnée. Beaucoup de randonnée. Après son mariage, elle est partie à travers les Alpes pendant cinq mois. Au Québec, elle a conquis - et s'est laissé conquérir par eux - les monts Chic-Chocs, le parc de la Jacques-Cartier, le mont Mégantic (c'est là qu'a eu lieu la demande en mariage). Une autre grande destination canadienne, dit-elle : le parc Kejimkujik, en Nouvelle-Écosse. À essayer.