Sa websérie Dominos vient tout juste de remporter le premier prix du nouveau festival Cannesseries, à Cannes. La jeune réalisatrice Zoé Pelchat est notre personnalité de la semaine.

Dominos raconte l'histoire d'une bande de jeunes liés par le hasard ou l'amitié, chacun paumé à sa façon.

Le point de départ du récit mosaïque raconté à travers cinq épisodes, cinq personnages, est le suicide de la mère de deux d'entre eux. C'est une websérie touchante qui se passe dans le Sud-Ouest de Montréal, où la pauvreté côtoie « les gens qui mettent de l'huile de truffes sur leurs toasts ».

Présentée à Cannes dans le cadre du nouveau festival Cannesseries, qui ne porte que sur les séries, Dominos a gagné le premier prix dans la catégorie des séries web. Il y avait neuf autres séries en compétition.

C'est pour cela que la réalisatrice de la série, Zoé Pelchat, a été choisie personnalité de la semaine.

Âgée de 28 ans, celle qui a grandi à Québec avant de faire des études de communication à Concordia puis une formation plus pointue à l'INIS, se plaît à montrer les images de son visage totalement incrédule lorsque sa série a été proclamée gagnante à Cannes, la semaine dernière. « Je n'y croyais juste tellement pas », dit-elle, assise dans un café du Vieux-Montréal.

Sa série de cinq épisodes d'une dizaine de minutes était en compétition contre neuf autres, provenant notamment de Corée du Sud, d'Espagne et des États-Unis, dont certaines réalisées avec un budget substantiel, ce qui n'était pas le cas de la production de la jeune Québécoise. Il y avait aussi une autre production québécoise, Repères.

Père journaliste - directeur de la section Actualités à La Presse -, mère technicienne en environnement, Zoé Pelchat-Ouellet - « Zoé juste Pelchat, c'est mon nom d'artiste ! » - s'est fait dire toute sa vie qu'elle était bonne pour raconter des histoires. C'est essentiellement ce qu'elle veut faire de cette carrière de réalisatrice propulsée par ce prix à Cannes.

Dominos, elle en a écrit 20 versions avant de tourner le tout en huit jours. Avant ça, il y a eu une autre websérie, Les Presqu'histoires. « Moi, c'est vraiment ça que j'aime et c'est comme ça que j'ai commencé : en écrivant. »

Le rêve de la jeune créatrice est de scénariser et de réaliser une série télé. Elle admire immensément le travail de David E. Kelley, celui à qui on doit Ally McBeal et qui a écrit le scénario de Big Little Lies, réalisé par Jean-Marc Vallée. Elle rêve un jour de créer des univers de cette envergure. Que regarde-t-elle à la télé actuellement ? « Cheval-Serpent », répond-elle en riant. Féminin/Féminin, The End of the Fucking World, « c'est malade ! ». Jane the Virgin, L'âge adulte... « J'aime aussi beaucoup les Kardashian », ajoute-t-elle. « J'aime tout l'aspect glamour quétaine de toute la famille. »

Zoé a actuellement plusieurs projets en développement et attend des nouvelles des organismes subventionnaires comme la SODEC. C'est grâce au Conseil des arts et des lettres du Québec, ainsi qu'au Fonds TV5 et à St Laurent TV, notamment, que Dominos a été produite. Zoé attend du financement, mais pas des milliards.

« Je suis de la génération qui n'a jamais connu les gros budgets. J'ai appris dès le départ à me débrouiller. Et je trouve tout ça quand même excitant. » - Zoé Pelchat

En parallèle avec tout cela, elle produit des publicités pour gagner sa vie, notamment pour la Fondation Lucie et André Chagnon et l'Orchestre symphonique de Montréal, Québec Jeunes. Elle aime bien, parce que, selon Zoé, « toute histoire est bonne à bien raconter ». Et dans le coeur de la jeune réalisatrice, il n'y a pas de hiérarchie culturelle. « J'aime autant les films de Lars von Trier que les blockbusters. J'aime d'ailleurs mélanger les codes, créer des contrastes. »

Toute cette passion pour la réalisation a commencé un été, à Londres où elle était partie retrouver une amie après la fin de ses études en comm. « Elle m'a dit : "Je viens de laisser mon chum. On passe notre été à faire des films !" Et ça a commencé comme ça. »

Les deux femmes se sont amusées, ont diffusé leurs oeuvres, Poèmes, sur Vimeo et Facebook. Puis Urbania les a diffusées sous le titre Les Presqu'histoires. Tranquillement, Zoé y a pris vraiment goût et a décidé d'aller poursuivre sa formation à l'INIS. À travers tout cela, la jeune femme a aussi réalisé des vidéoclips.

La musique joue en outre un rôle intégral dans l'esthétique de ses vidéos de fiction et un des acteurs de Dominos - outre Émile Schneider, Charlotte Aubin et Paul Ahmarani, notamment - est un des musiciens de Dead Obies, Gregory Beaudin.

« J'ai toujours été artiste », dit la jeune femme. Quand elle était enfant, elle était obsédée par les dinosaures et voulait devenir paléontologue. Mais ses dinosaures étaient en fait des personnages de fiction à qui elle inventait des histoires. « Je te le dis, ça a toujours été ma force. Et Dominos, c'est mon premier projet où c'est vraiment juste mon truc, mon histoire. »

Zoé Pelchat en quelques choix

Des livres : L'écume des jours de Boris Vian, le classique des classiques. Le plongeur de Stéphane Larue. Chanson douce, qui a valu le Goncourt à Leïla Slimani. Zone érogène de Philippe Djian.

Des films : Fish Tank d'Andrea Arnold, une réalisatrice britannique. « J'adore ses films, toujours très réalistes, avec des personnages féminins en marge. C'est une histoire d'ados des projects de Londres, avec une grande sensibilité dans le jeu des acteurs, sans le moindre jugement pour des personnages imparfaits. » Un crabe dans la tête d'André Turpin. Emporte-moi de Léa Pool.

Un personnage historique : « La sculptrice extraordinaire et engagée Niki de Saint Phalle »

Des personnages contemporains : « La réalisatrice française Maïwenn pour son approche et la justesse et la profondeur de ses films. L'actrice et poète québécoise Charlotte Aubin ! Non seulement c'est une grande artiste, mais elle est si sensible, intelligente et humaine. »

Une citation :  Don't be thirsty (« Ne sois pas assoiffée. ») « C'est d'Émile, mon frère, qui est actuellement en Inde dans un ashram en train de faire du yoga. Il voulait me dire : "N'en demande pas trop. Accepte et profite de ce que la vie te donne." C'est resté. »

Une cause qui vous ferait descendre dans la rue pour manifester : «  La lutte contre l'intimidation, parce que j'en ai souffert. Ça détruit tellement. C'est la pire chose. Sur ma pancarte, j'écrirais : "L'amour, avant tout". »