Cette semaine, Joseph « Tino » Rossi a donné son 400e et dernier départ des Mardis cyclistes de Lachine, critérium en 10 étapes devenu un incontournable du monde cycliste québécois depuis sa fondation, il y a 39 ans.

Notre personnalité de la semaine s'est époumonée une dernière fois, lançant son désormais légendaire : Let's get ready to rumble, 5, 4, 3, 2, 1... S'il ne sait plus trop comment et pourquoi il a commencé à l'utiliser, l'expression a fait date. « Les gens aiment la façon dont je le dis ? Je le fais... Je mets tous mes poumons, tous mes pistons là-dedans ! C'est mon V8 qui sort ! V8, le moteur, pas le jus de légumes ! », blague l'homme qui ne manque pas d'humour, ni d'anecdotes à raconter.

Pour clôturer le tout en beauté, le fondateur, et désormais ex-directeur général, de l'événement a même eu droit à un record du circuit - « la cerise sur le gâteau ! » -, établi par le jeune Pier-André Côté, un habitué du critérium, en qui M. Rossi voit l'avenir du cyclisme canadien, rien de moins.

« Ce jeune-là a gagné le critérium des Championnats canadiens et les Jeux du Canada cette année ! Bientôt, on va entendre parler de lui sur la scène internationale. À mon humble avis, dans cinq ans, ce sera l'élément canadien numéro 1 dans le vélo ! », lance le personnage haut en couleur.

En près de quatre décennies, l'organisateur de l'événement - en l'honneur de qui on a rebaptisé « place Joseph-Tino-Rossi » le lieu des départs et arrivées du critérium, mardi soir dernier -, en a vu passer, des jeunes qui ont pris leur envol aux Mardis cyclistes de Lachine et se sont illustrés sur les scènes nationale ou internationale. Qu'on songe à Martin Gilbert, membre de l'équipe canadienne aux Jeux de Pékin, ou à Antoine Duchesne, qu'on a vu rouler au Tour de France.

Pédaler, une thérapie

Né en Italie en 1940, le jeune Joseph Rossi y a attrapé tout jeune la fièvre du cyclisme. « Mon frère aîné, plus chanceux que moi, avait le privilège d'avoir un vélo pour le loisir. Et moi, je prenais son vélo et je me poussais du matin au soir ! J'avais la passion du vélo déjà, j'aimais pédaler. Pour moi, c'était une vraie innovation, ces deux roues ! », se souvient-il.

Après avoir immigré à Montréal à l'âge de 15 ans, le jeune Rossi trouve, grâce au curé de la paroisse, un travail dans un dépanneur pour faire la livraison en pédalant... cette fois sur trois roues ! « Je n'ai jamais délaissé le vélo. Par la suite, j'ai commencé à m'entraîner, à faire de la compétition, j'ai ouvert un magasin de vélos... Je vous en parle et j'ai hâte à demain pour monter sur le vélo. Pour moi, le vélo, c'est une thérapie, un besoin ! »

C'est d'ailleurs après avoir été maître de piste au vélodrome lors des Jeux olympiques de 1976, et avoir fréquenté les plus grands athlètes et entraîneurs de l'époque, que M. Rossi - qui doit son surnom, Tino, à sa ressemblance avec le chanteur de charme français du même nom - a désiré créer un événement. Il espérait ainsi faire évoluer les mentalités et permettre à son sport favori, carrément dénigré à l'époque, de jouir enfin du respect des gens.

« Quand je faisais du vélo, que je m'entraînais... Si les gens avaient pu m'écraser, ils l'auraient fait ! On était vraiment rejetés, la société ne nous acceptait pas du tout... Il fallait partir de quoi, que notre sport amateur soit connu ! »

Passer le flambeau

Aujourd'hui âgé de 77 ans, l'homme avait décidé depuis un moment qu'il était temps de passer le flambeau et de remettre l'avenir de son bébé, dont c'était la 40e édition, en d'autres mains. Ce sont les frères Marc et Jean-François Néron, propriétaires de l'entreprise Cycle Néron, qui héritent d'une organisation bien rodée et en bonne santé financière.

Il n'en a pas toujours été ainsi, se souvient l'homme qui a porté l'organisation à bout de bras durant des années, de façon bénévole, et qui dit s'être fait mettre bien souvent des bâtons dans les roues... notamment par des politiciens qui promettaient de faire disparaître son critérium s'ils étaient élus !

Dans ses moments « de faiblesse et de découragement », le sportif se souvient d'un homme qui, malgré son âge avancé, prenait la peine de venir le voir aux Mardis et lui disait : « Le Québec a besoin de gens comme vous. Continuez, ne lâchez pas ! » Cet homme, c'était Maurice Richard. D'ailleurs, son frère, Henri, a même été président d'honneur des Mardis cyclistes, à une certaine époque.

Depuis une dizaine d'années, heureusement, les choses ont changé. « J'ai persisté, les gens m'ont fait confiance et j'ai gagné divers combats. Aujourd'hui, les politiciens ont compris que les Mardis étaient une vitrine qui met la ville en évidence ! », affirme celui qui a déjà hâte à la 41e édition des Mardis cyclistes pour pouvoir les apprécier pleinement. De l'extérieur, cette fois.