Médecin durant 31 ans, la Dre Francine Léger était bien plus qu'une simple omnipraticienne aux yeux de ses patients et de ses collègues. Messagère, revendicatrice, elle se battait pour une panoplie de causes et plus particulièrement pour la santé des femmes et la reconnaissance du rôle des médecins de famille. C'est après un long combat contre le cancer qu'elle s'est éteinte auprès des siens à Montréal.

Petite-fille, nièce, soeur et fille de médecins, elle savait dès son plus jeune âge qu'elle allait suivre les traces familiales. Son engament humaniste et social, elle le doit toutefois à son oncle Paul-Gérin Lajoie. «Il a été son mentor et son modèle. Ses revendications, ses coups de poings sur la table ont influencé toute sa vie», raconte son conjoint des 11 dernières années, Jean Plante.

Engagée, sans compromis, fonceuse, mais non sans peur, la Dre Léger faisait partie d'une poignée de médecins à accepter de parler ouvertement d'avortement dans les médias. Au début de sa carrière, elle a d'ailleurs pratiqué cet acte dans l'illégalité pendant cinq ans au Centre de santé des femmes à Montréal (CSF). «Ses convictions étaient plus fortes que ses peurs. Elle croyait tellement au droit des femmes de disposer de leur corps qu'elle donnera un pourcentage de son revenu pour faire fonctionner le centre», témoigne son conjoint.

L'individu avant sa maladie

Dans la famille du Dre Léger, il était de coutume de choisir une spécialité. Elle-même aurait été tentée par l'obstétrique, mais finalement son coeur a penché pour la médecine familiale. Selon elle, l'individu était beaucoup plus important que sa pathologie. Convaincue de l'importance du rôle des médecins de famille dans la société et se révoltant du peu de considération qu'on leur accordait, la Dre Léger a présidé le Collègue québécois des médecins de famille dans le but de faire changer les choses. «L'arrogance des spécialistes qui voient la médecine de famille comme une pratique de second ordre la révoltait. Elle a travaillé très fort pour changer les choses et ses efforts ont commencé à porter ses fruits», note son conjoint.

Appréciée de ses patients en raison de ses qualités humaines et son écoute, elle a été choisie médecin de l'année au Québec en 2004. «Quand elle a cessé sa pratique à la clinique du Quartier Latin, plusieurs femmes téléphonaient à la clinique Morgentaler pour continuer à être suivies par la Dre Léger et cela, même si elles savaient que ce n'était pas notre mission. Plusieurs insistaient beaucoup d'ailleurs», raconte sa collègue et directrice de la clinique, France Desilets.

Si la médecine était sa passion, la Dre Léger n'hésitait pas à troquer son stéthoscope pour la plume, afin de faire valoir ses opinions et personne n'était jamais trop haut placé pour elle. «Elle a écrit une lettre publique à Stephen Harper dans laquelle elle dénonçait les entraves à la démocratie. Lors de la venue du Dalaï-lama, elle n'a pas eu peur de lui demander pourquoi les femmes souffraient lors de l'accouchement. Il lui a répondu qu'il ne savait pas», raconte Mme Desilets.

La Dre Léger aura combattu la maladie pendant trois ans avant de perdre la bataille, mais le mot retraite n'a jamais existé pour elle. Un mois avant son décès, elle travaillait encore à la clinique Morgentaler de Montréal. «Elle a caché son inconfort jusqu'à la fin. Sa dernière intervention concernait une patiente sans-papiers. La clinique et la Dre Léger ont tout fait pour l'aider. C'était une illustration parfaite de ce qu'elle était, un coeur sur pattes», mentionne Mme Desilets.

Pour lui rendre hommage, les drapeaux ont été mis en berne, le jour de ses funérailles samedi dernier, au CHUM et à l'Université de Montréal. La Dre Francine Léger laisse derrière elle ses deux enfants Roxanne et Thierry, le père de ses enfants, Gilles Parizeault, qui lui a apporté son soutien pour qu'elle poursuive sa carrière, ainsi que son conjoint, Jean Plante.