Passionnée des arts et des lettres, Suzanne Tremblay a mené une carrière plus qu'enviable pour une femme de son époque. Elle s'est éteinte à Montréal à la suite de problèmes cardiaques, le 23 mars dernier, à l'âge de 90 ans.

Dixième d'une famille de 14 enfants, elle est née à Saint-Boniface, au Manitoba, auprès de parents francophones établis dans cette province pour le travail. Très tôt après ses études, elle s'investit dans le monde des arts auprès du Cercle Molière, l'une des plus anciennes compagnies théâtrales permanentes du Canada. Elle y est accessoiriste, souffleuse, costumière, metteure en scène et publiciste. 

Dans ce groupe, elle fait la rencontre de l'auteure Gabrielle Roy et d'une certaine Pauline Boutal, artiste célèbre du Manitoba, avec qui elle entretient une amitié longue de plusieurs décennies. «De trente ans la cadette de son amie, Suzanne Tremblay était un peu comme la fille adoptive de Pauline Boutal, raconte l'historienne d'art Louise Duguay. Elles se sont écrit durant cinq décennies, à raison d'une lettre par semaine. Non sans quelques hésitations, Mme Tremblay m'a confié cette correspondance, lourde de plus de 1000 enveloppes qui a été donnée au Centre du patrimoine du Manitoba une fois mes recherches terminées.»

Son amour pour les arts et la langue française la mène aussi à oeuvrer auprès de la Manitoba Drama League, du festival de théâtre Manitoba Region of the Dominion Drama Festival et de l'Association d'éducation des Canadiens français du Manitoba (AECFM). «Ma tante a contribué, selon moi, au maintien du patrimoine francophone du Manitoba», note sa nièce Suzanne Dussault. 

Parallèlement à ses occupations dans le monde des arts, elle travaille pendant 15 années au service de trois consuls de France à Winnipeg. Bien que n'ayant pas la nationalité française, elle gravit les échelons jusqu'à être nommée consule de France par intérim, emploi qu'elle occupe durant deux ans. «C'était un poste peu commun à son époque. Loin du parcours ordinaire d'une femme. Déterminée et têtue, elle savait saisir les occasions quand elle se présentait», témoigne sa nièce Jacqueline Chabbert. 

Une deuxième vie consacrée à la Place des Arts

Indépendante d'esprit, célibataire et sans enfant, Suzanne Tremblay déménage à Montréal vers la fin des années 1950. Dans la métropole, elle déniche après quelque temps un emploi au service des communications à la toute nouvelle Place des Arts. Elle est la sixième personne à y être embauchée et y est restée pendant plus de 20 ans. Laurent Duval, directeur des relations publiques de la Place des Arts de 1963 à 1970 et ancien patron de

Mme Tremblay, se souvient d'elle comme d'une femme affable, souriante et efficace dans son travail. 

En 1967, lors de l'Expo 67, Montréal reçoit le monde entier. Le talent de physionomiste de Suzanne Tremblay sera plus qu'utile, puisqu'à titre d'hôtesse, elle recevra des rois et des reines ainsi que plusieurs artistes célèbres, dans la plus grande discrétion et le respect du protocole. «Elle s'est fait un devoir de faire signer le livre d'or, témoignages de ceux et celles qui se sont produits dans les salles de la Place des Arts. Ce que l'on fait moins aujourd'hui, raconte Denise Melillo, directrice des relations publiques à la Place des Arts. Source de mémoire collective, elle était en lien avec les grands imprésarios, connaissait des anecdotes entourant la visite de rois, reines et grands artistes qui se sont présentés. C'est une tranche d'histoire qui part.»

Suzanne Tremblay a vécu selon ses volontés jusqu'à son décès. De nombreux proches lui ont rendu hommage, le samedi 12 avril. Une célébration liturgique ainsi que l'inhumation auront lieu ultérieurement à Saint-Boniface.