Elle était un modèle de détermination et d'intégrité, une visionnaire lucide et enthousiaste douée d'un tempérament de diplomate. Son nom est intimement associé au développement de la profession d'orthophoniste qui compte quelque 2600 professionnels au Québec.

Directrice de l'École d'orthophonie et d'audiologie de la faculté de médecine de l'Université de Montréal, en 1978, elle a aussi été clinicienne, chercheur, professeur et une conférencière réputée. Chaleureuse et discrète, Louise Coderre s'est éteinte à l'âge de 77 ans, le 13 janvier dernier.

Sa carrière remonte au début des années 60, au moment de la Révolution tranquille. À 23 ans, elle travaille comme orthophoniste auprès des personnes ayant des troubles de communication d'origine neurologique. Elle travaille alors à l'Institut de réhabilitation de Montréal, devenu l'Institut de réadaptation Gingras-Lindsay.

Au même moment, elle s'investit avec passion au sein de la Société de logopédie et d'audiologie, fondée alors par l'orthophoniste anglophone Mary Cardozo.

Ambassadrice de renom

«Elle est devenue la voix francophone de l'orthophonie tant au Québec, en Amérique du Nord et en Europe. Ce fut une ambassadrice qui a créé des ponts entre les organisations», raconte Marie-Pierre Caouette, présidente et directrice générale de l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec qui a été aussi son étudiante.

«Même si elle n'aimait pas prendre l'avion, elle participait à de nombreux congrès tant aux États-Unis qu'en Europe. À son retour, elle ne parlait jamais des succès qu'elle obtenait là-bas», dit Michèle Bergeron, sa meilleure amie.

Durant les années 80, Mme Coderre a coordonné plusieurs missions scientifiques avec la France. Dans un hommage publié sur Facebook, le président d'honneur de la Fédération nationale des orthophonistes français, Pierre Ferrand souligne sa rigueur scientifique, sa créativité et sa débrouillardise. «Grâce à elle, j'ai pu découvrir le rôle que tenaient nos collègues dans les classes d'accueil d'immigrants, l'intégration des enfants sourds dans le système scolaire, la prévention et le dépistage des divers troubles du langage chez l'enfant.»

Pédagogue aimée de tous

Ses étudiants admiraient son talent de pédagogue qui incitait au dépassement de soi. «Un jour, nous étions devant son bureau et quelques-uns d'entre nous critiquaient ouvertement le livre obligatoire de 700 pages des auteurs Lois Bloom et Margaret Lahy», se rappelle Chantal Murray, aujourd'hui orthophoniste.

«Plutôt que de nous contredire, elle a répondu: «Lisez, lisez, ne cessez jamais de lire.» Encore aujourd'hui lorsque je consulte un article scientifique, cette parole me revient en tête.»

La linguiste et phonéticienne Danièle Archambault souligne le côté visionnaire et humain de Louise Coderre. «Elle n'a jamais oublié qu'en bout de ligne, il y a avait le patient. Elle ne donnait pas de livre de recettes à ses étudiants, mais plutôt une grande capacité d'analyse et de réflexion.»

Tout en veillant à la qualité de la pédagogie de l'École d'orthophonie et d'audiologie, Mme Coderre a contribué à l'essor de la recherche. «Elle avait un flair incroyable pour bien s'entourer», allègue Mme Bergeron.

«Plusieurs professeurs recrutés pendant son mandat ont mis en place une culture de recherche digne des plus grandes universités canadiennes.»

Mme Bergeron s'étonne encore de la grande capacité d'organisation de son amie Louise. «Elle aimait recevoir ses étudiants qui venaient d'obtenir un doctorat. Elle pouvait passer huit heures à cuisinier sans arrêt.»

Son abnégation de soi pour les autres est remarquable. «Elle a consacré sa vie au développement de la profession, mais sans jamais négliger son mari Laurent, sa mère ou ses neveux et nièces», ajoute-t-elle.

Durant sa carrière, Mme Coderre a reçu de nombreux prix en reconnaissance de sa contribution. En janvier 2000, l'Ordre des orthophonistes et audiologistes du Québec a créé un prix en son nom destiné aux finissants des universités québécoises.

«Pour les jeunes générations d'orthophonistes et d'audiologistes, Louise demeurera un modèle inspirant d'une personne qui a tracé la voie aux autres», conclut la présidente de l'organisme, Marie-Pierre Caouette.

Les funérailles de Mme Coderre ont eu lieu le 1er février à Pierrefonds.