Elle patrouillait à pied le «Faubourg à m'lasse» pour aider les familles dans le besoin et stopper la délinquance juvénile. Marguerite Cloutier-Blouin s'est éteinte le 21 janvier à l'âge de 92 ans. Elle était la dernière femme policière de Montréal ayant fait partie du premier contingent de 1947.

Après avoir multiplié les emplois pour soutenir sa mère monoparentale, Marguerite Cloutier postulait en 1947 au Service de police de Montréal (SPM, aujourd'hui SPVM), qui recrutait des policières pour sa nouvelle section aide à la jeunesse.

«Elle a trouvé des paires de souliers aux enfants qui se promenaient pieds nus. Elle est intervenue auprès de parents négligents et d'enfants perdus, relate sa fille Louise Blouin. Ma mère se mêlait de tout, elle prenait son travail très à coeur.»

La «constable» Cloutier et ses collègues féminines se consacraient aux affaires touchant la jeunesse, comme la criminalité juvénile, la prostitution, les fugues, les gangs de rue et les stupéfiants. Huit mois après leur embauche, le SPM recrutait un deuxième contingent de onze agentes. La soeur de Marguerite, Régina Cloutier, en faisait partie. «Les soeurs Cloutier étaient très proches. Elles étaient connues comme des femmes droites, compétentes, qui ne se laissaient pas marcher sur les pieds», soutient Carole Robidoux, fille de Régina.

Formée, mais pas armée

«Ma mère était une excellente tireuse, mais elle n'était pas armée», souligne Louise Blouin. Peu de temps après leur prestation de serment, les policières du SPM se sont vu interdire de porter une arme ou de conduire un véhicule identifié, précise le capitaine-détective retraité, responsable des communications du Musée de la police de Montréal, Jean-Marc De Nobile. «Une femme armée était mal perçue dans la population. Pourtant, elles avaient reçu la même formation que les hommes. Elles n'ont récupéré leurs armes qu'en 1972, et les conservaient dans leur sac à main.»

Après avoir travaillé plusieurs années à l'unité jeunesse à sillonner le «Faubourg à m'lasse» (quartier Centre-Sud), Marguerite Cloutier-Blouin a également travaillé aux sections moralité et identification judiciaire. «Elle a résolu nombre de cas en ressortant de vieux dossiers et en comparant des empreintes. Ça n'a pas toujours été facile. Elle devait travailler deux fois plus fort pour montrer sa légitimité», raconte sa fille dont le père, feu René Blouin, était aussi policier.

«Ma mère avait convaincu mon père de s'enrôler. Après ma naissance, comme j'étais le premier enfant née de parents policiers à Montréal, ma photo s'est retrouvée dans le journal et une enquête a été ouverte, raconte Mme Blouin. La croyance de l'époque voulait qu'un enfant était probablement négligé dans de pareilles circonstances.»

Parmi les moments forts de la carrière de sa mère, Louise Blouin cite la visite de la princesse Élisabeth et du duc d'Édimbourg à l'automne 1951, alors que les policières du SPM assistaient au service d'ordre entourant la sécurité du couple royal. «À un certain moment, Marguerite a passé proche de tomber dans les bras du prince. Avec le recul, elle regrettait de s'être accrochée à d'autres personnes. Elle le trouvait tellement beau!», s'esclaffe-t-elle.

Sans regret, Marguerite a pris sa retraite en 1979 après 32 belles années de loyaux services. Elle est décédée la même date que sa soeur adorée, disparue 27 ans avant elle.