La juge Monique Dubreuil s'est éteinte la veille de Noël à l'âge de 85 ans à Sherbrooke. La magistrate a marqué le milieu judiciaire par son humanité, mais surtout en ouvrant la voie en devenant en 1978 la première femme juge à la Chambre criminelle de la Cour du Québec, alors appelée Cour de sessions de la paix à Montréal.

Née en 1929 à Joliette, la jeune Monique Dubreuil (Perrault de son nom de fille) était de la génération des femmes qui se marient et ont des enfants. C'est ce qu'elle a fait, mais après avoir étudié le droit en France et complété sa maîtrise à l'Université de Montréal.

«Évidemment, à l'époque il n'y avait pas tellement de femmes dans la profession d'avocat», souligne la juge en chef de la Cour du Québec, Elizabeth Corte. Monique Dubreuil a été son premier employeur alors qu'elle était directrice du bureau de l'Aide juridique.

«Ça m'impressionnait une femme qui avait une famille, quatre enfants et une position d'autorité à l'Aide juridique, se souvient Elizabeth Corte. Ça m'avait motivée. C'est l'influence des pionnières; faire des choses que les autres ne font pas et les encourager à faire ces choses-là.»

L'humanité

Dans les années 60, Monique Dubreuil était avocate à la Cour du bien-être social, aujourd'hui Tribunal de la jeunesse. C'est à cette même cour qu'elle a été nommée juge pour la première fois.

Lorsqu'elle a découvert l'existence de l'Assistance judiciaire du Barreau de Montréal, maintenant Aide juridique, Monique Dubreuil est allée voir son fondateur, le juge à la retraite Bernard Grenier. Après quelques années, elle en est devenue la directrice générale.

«Monique était patiente, très bonne, toujours le sourire aux lèvres, toujours gentille, et je l'aimais beaucoup, en dit Me Grenier, qui siège en ce moment à la commission Ménard. Ç'a été la première femme à siéger au criminel à la Cour de session de Montréal, et elle s'en est bien tirée.»

Cet héritage humain a guidé Monique Dubreuil dans ses jugements pendant toute sa carrière.

«Quand on est à la Chambre de la jeunesse et qu'on vit les difficultés, les problèmes familiaux qui sont les problèmes les plus personnels, on ne peut qu'être imprégné d'humanité, explique la juge en chef Elizabeth Corte. Monique Dubreuil était une personne éminemment humaine. Elle voyait toujours l'humain d'abord.»

Fin de carrière

Lorsque la juge Dubreuil a condamné deux jeunes hommes d'origine haïtienne à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 heures de travaux communautaires en 1998, beaucoup ont pensé que l'humanité était poussée trop loin.

Dans l'appartement qu'ils partageaient, les deux accusés avaient violé une jeune fille rencontrée dans un bar. La juge Dubreuil avait jugé que le contexte culturel était un facteur atténuant dans cette cause.

La sentence était clémente, alors qu'un viol est passible d'un maximum de 14 ans de prison. Le sursis, qui venait de faire son apparition en 1996, permettait aux deux jeunes hommes de purger leur peine en collectivité. À l'époque, l'efficacité de la prison était remise en doute et on recherchait des alternatives à l'incarcération. Surtout pour une première offense, comme c'était le cas.

L'histoire avait fait un tollé dans les médias. C'est cette affaire tristement célèbre qui a clos la brillante carrière de la juge Dubreuil.

«C'était une battante et une travailleuse acharnée, dit son fils Benoît Dubreuil. Ma mère a eu une carrière exemplaire, mais a eu aussi des moments difficiles. Toutefois, elle était forte et savait se relever.»

Monique Dubreuil a pris sa retraite à la fin 1998. Elle l'a passée dans sa maison de campagne de Vaudreuil-sur-le-Lac, à lire et à voyager un peu partout dans le monde.

Mme Dubreuil laisse dans le deuil quatre enfants, feue Madeleine, François, Benoît et Marie-José. Elle était l'épouse de feu Robert Dubreuil dont elle gardé le nom toute sa vie, et de feu le juge Jean-Paul Geoffroy de la Cour du Québec également.