Dans le paysage religieux québécois des années 1960-70, le père Alan Cox était un oiseau rare. Le prêtre hors norme a inspiré des milliers de jeunes de Laval, où il a oeuvré dans le milieu scolaire anglophone durant presque 40 ans. «Father», comme on le surnommait, est décédé d'un cancer le 14 novembre dernier. Il avait 78 ans.

Sous des dehors de gars «cool» et athlétique (qui n'a jamais porté de col romain), Alan Cox était en fait un homme de conviction, plutôt rigide. Il s'était donné pour mission d'aider les plus démunis de la société, mais surtout de préparer les jeunes aux réalités de la vie.

L'actuel chef du NPD, Thomas Mulcair, a connu Alan Cox lorsque celui-ci est arrivé au Chomedey Catholic High School à la fin des années 60, à titre d'aumônier. «Il était très exigeant. Il nous forçait à raisonner, à penser pour nous-mêmes. Il nous challengeait tout le temps. C'était un être inspirant, vraiment unique», raconte M. Mulcair qui, à l'instar de plusieurs de ses camarades de l'époque, squattait le bureau de Father Cox pour y parler notamment de politique ou y écouter de la musique.

Le chef du NPD est demeuré très près de celui «qui nous forçait à redonner à la vie». Il d'ailleurs prononcé une oraison aux funérailles samedi dernier à l'église Holy Name of Jesus, où 500 personnes étaient réunies.

Hors de leur zone de confort

À son arrivée à l'école secondaire, Father Cox conduisait une ancienne voiture de police, avec gyrophares, radio émetteur et gros moteur à l'avenant. Le bonheur pour des ados qui avaient surnommé son bolide le Cox Mobile.

Voulant sortir les jeunes de leur zone de confort, il a, à la recommandation d'un psychologue, organisé de nombreux voyages, notamment en Europe, où il amenait les jeunes dans le camp de concentration de Dachau, de même que dans le «Red Light District» d'Amsterdam. Il les traînait dans les quartiers les plus pauvres de Lisbonne, puis les amenait escalader les montagnes tyroliennes. Une façon de voir le pire comme le meilleur.

John MacMaster, aujourd'hui ténor reconnu internationalement, a participé à trois de ces voyages outre-mer. «C'était pour nous ouvrir les yeux. Et ça fonctionnait. Ces voyages ont changé ma vie», dit celui que Father Cox cueillait tous les matins à 7h pour le conduire à l'école, où le jeune MacMaster chantait à la messe.

Enfant unique élevé à NDG, Alan Cox a étudié chez les Jésuites au Collège Loyola de Montréal. Fraîchement reçu prêtre, il a travaillé dans une paroisse de Rosemont où il se servait à même le garde-manger de la communauté religieuse pour en distribuer le contenu, le soir venu, aux sans-abris. Idem au Grand Séminaire de Montréal, où il détonnait de par ses habitudes.

Il a ensuite vécu dans une famille de La Salle, où il a prêté main-forte aux policiers et aux pompiers de l'endroit. Il a joué un important rôle de soutien à la suite de l'explosion du LaSalle Heights, où 28 personnes ont péri en 1965.

«Il aidait aussi beaucoup la police dans des cas de toxicomanie ou de violence conjugale. Un jour, il est entré dans une maison où un homme battait sa femme. Il a empoigné l'homme et l'a sorti par le collet», explique Bob Di Tomaso, un sexagénaire qui a fait la connaissance du père Cox du haut de ses huit ans. Il incitait fortement les jeunes à dépenser leur surplus d'énergie adolescente à faire du bénévolat, dans les résidences, dans les centres de désintoxication ou dans les soupes populaires. «On avait tous une job à faire».

À la fin des années 60, les autorités catholiques ont trouvé un «boulot» au père Cox: ils l'ont nommé aumônier au Chomedey Catholic High School, devenu Laval Catholic High School. À la grande surprise de tous, son magnétisme a permis d'attirer Mère Teresa dans l'auditorium de l'école secondaire à la fin des années 80.

Retraité, Father Cox coulait ces dernières années des jours heureux dans sa maison de Bois-des-Fillions. Jusqu'à récemment, il se levait encore tous les matins à 4h pour prêter main-forte à l'un de ses «fils adoptifs» dans la livraison de pains. L'homme d'église était en effet devenu le tuteur de deux jeunes Vénézueliens abandonnés par leur mère.

Gageons que l'arrivée de Father Cox là-haut n'est pas passée inaperçue.