Elle était notre Shirley Temple canadienne. Toute petite, déjà, Berthe (Demers) Shorteno marquait le Québec. Douée à la fois pour la danse, le théâtre et le chant, celle qu'on surnommait «Chou Chou» s'est éteinte le 7 novembre 2013.

En 1938, Gratien Gélinas avait remarqué la jeune fille de 11 ans et l'avait engagée dans les Fridolinades, un contrat qui devait durer six ans. «Quand elle dansait, elle interprétait ses émotions sur l'instant et M. Gélinas la laissait faire, relate la fille de Berthe Demers, Sasa Shorteno. Chaque fois, il la surveillait des coulisses pour voir ce qu'elle ferait.»

Reconnue pour la grâce de ses mouvements, la jeune Montréalaise a aussi interprété plusieurs personnages, tels que le Petit Chaperon Rouge, Marianne s'en va-t-au moulin et Chou Chou, un surnom qui lui est resté.

La «petite Demers» a ensuite tenté sa chance à Hollywood, lorsqu'elle a reçu une bourse pour étudier la danse avec les réputés David Lichine et Theodore Kosloff. «Ma grand-mère l'a accompagnée pendant un an, même si elle a dû quitter son mari pendant une longue période. Elle sentait que sa fille méritait la possibilité de montrer son grand talent au reste du monde.»

La compagnie Metro-Goldwin-Mayers lui a d'ailleurs offert un contrat de sept ans qu'elle aurait accepté si ce n'était de sa santé devenue fragile. «Elle dansait sept heures par jour, son entraînement était très dur et elle voulait toujours en faire plus pour s'améliorer. Son corps s'est épuisé et son système immunitaire était affecté. Il lui fallait un repos complet et elle est rentrée au pays.»

Après s'être remise sur pied, Berthe Demers a continué le théâtre, amorcé le doublage et même dansé pour la reine Juliana des Pays-Bas. À 22 ans, sa rencontre avec Peter Shorteno l'a convaincue de mettre fin à sa carrière.

«Mon père adorait la voir danser et ne lui a jamais demandé d'arrêter, souligne Sasa Shorteno. Mais comme elle voulait toujours être la meilleure dans ce qu'elle faisait, elle ne pouvait pas être ballerine en prenant soin de son mari et de ses enfants. Ça lui a fait terriblement mal, mais elle se sentait aussi comblée par sa vie de famille.»

Relativement discrète sur son passé, Berthe Shorteno n'en gardait pas moins des souvenirs précieux. «Ma mère m'a dit qu'elle était chanceuse d'avoir eu le talent pour être soliste. Elle racontait que le sentiment d'avoir des centaines de personnes sous son charme était incroyable. Elle sentait un échange d'émotions très intense avec le public.»

Après une vie partagée entre Montréal, Hollywood et Toronto, Berthe Shorteno a vécu les cinq dernières années de sa vie dans la Ville reine, aux côtés de sa fille Sasa, qui vante la douceur, la bonté et la beauté exceptionnelle de sa mère. «Elle était naturelle, sans artifice. Même à la fin, c'était encore la plus belle femme.»