Ses élèves de l'école d'architecture de l'Université Laval le surnommaient affectueusement M. Jarnu. Concepteur de la Maison des Ursulines de Loretteville, de trois pavillons universitaires et du Palais épiscopal de La Pocatière, l'architecte d'origine polonaise a laissé son empreinte dans le paysage québécois.

Né en 1917 à Kalisz, en Pologne, Zbigniew Jarnuszkiewicz était l'aîné d'une famille de six enfants. «Ses frères sont des peintres et sculpteurs connus à Varsovie tandis que lui, il était le cartésien de la famille», raconte sa fille Agnès.

Au moment de l'éclatement de la Deuxième Guerre mondiale, le jeune homme de 22 ans fait son service militaire en Pologne. Capturé par l'ennemi, il passera quatre ans dans un camp de prisonniers de guerre en Allemagne.

Sur la parcelle de terrain du camp, il se garde en forme en pratiquant la boxe et le jogging. «Cela symbolise bien sa détermination. Il fera du jogging presque jusqu'à la fin de sa vie, et ce, bien avant que ce soit la mode.»

À la fin de la guerre, le jeune homme se rend en Angleterre pour entreprendre des études à l'école d'architecture de l'Université Birmingham.

À cette époque, l'économie en déclin en Europe l'incite à tenter sa chance en Amérique. En 1954, il arrive à Montréal et déménage plus tard à Québec afin de devenir, à 35 ans, l'assistant de l'architecte Lucien Mainguy. "À sa première journée de travail, M. Mainguy lui a dit en anglais: «You are the right man» (vous êtes la bonne personne), mais à partir d'aujourd'hui, vous commencez à parler français», rapporte sa fille Agnès.

Son héritage

En 2001, l'Ordre des architectes du Québec lui a remis la médaille du Mérite pour l'ensemble de son oeuvre. «Il était le principal concepteur de la Maison des Ursulines, la Maison Michel-Sarrazin, le Palais épiscopal de La Pocatière et des trois pavillons situés sur le campus de l'Université Laval», énumère Jan Zwiejski, professeur titulaire de l'école d'architecture de l'Université Laval.

L'architecte Émile Gilbert fut son ami et son associé de 1977 à 1983. «Il avait une approche philosophique de l'architecture qui devait répondre aux besoins du client et non l'inverse», précise-t-il.

Son ancienne étudiante, l'architecte Anne Carrier renchérit. «M. Jarnuszkiewicz avait une préoccupation très humaniste. Il pensait au mieux-être des gens. Il a conçu un escalier gériatrique pour agrémenter l'expérience de monter des marches pour des personnes âgées», illustre-t-elle.

Tous gardent le souvenir d'un homme enjoué, affable et charmant. Sa passion pour les voitures sportives était connue. «Je le vois encore dans son Alfa Romeo décapotable. S'il avait eu les moyens, il se serait acheté une Lamborghini», dit M. Gilbert en riant.

Sa fille Agnès parle avec tendresse de son père. «Il voulait tellement vivre qu'on le croyait éternel. Il voyait rarement le mauvais côté des choses. Il était toujours convaincu que la vie lui apporterait un voyage intéressant, un concert ou une invitation à sortir.»

M. Jarnuszkiewicz laisse dans le deuil ses filles Ewa et Agnès, son gendre Yves Gougoux et sa belle-soeur Janina. Ses funérailles ont eu lieu hier à Québec.