À l'époque des années 50 et 60, la cigarette, le Coca-Cola et les «TV Dinner», ces repas surgelés, pré-emballés établissent des records de vente partout en Amérique du Nord.

À Montréal, Stephen Zalac,  homme de conviction et avant-gardiste, décide d'ouvrir en 1959, le premier magasin d'alimentation naturelle, rue Rachel. Ce pionnier de la médecine naturelle s'est éteint à Rosemère, le 1er septembre à l'âge de 88 ans. 

Isabelle Daneau, sa fidèle compagne des 50 dernières années, se rappelle les nombreux voyages de son mari afin d'aller chercher les meilleurs produits. «Nous étions le premier magasin à importer par avion chaque semaine des fruits et légumes biologiques en provenance de la Californie», raconte-t-elle. 

Stephen Zalac est né en 1925 en Croatie. Il est arrivé au Canada à l'âge de 10 ans. Durant son adolescence, il vit une terrible épreuve: la mort de son père causée par un empoisonnement du sang. Deux ans plus tard, en 1941, il survit à un accident de voiture dans laquelle périra sa mère. 

En 1942, au moment de la Seconde Guerre mondiale, l'orphelin choisit de servir sa patrie au sein de la marine marchande plutôt que de s'enrôler dans l'Armée. «À bord des navires, il se nourrissait de boîtes de conserve et de café du matin jusqu'au soir», illustre Mme Daneau. 

Dans une entrevue au magazine Perspectives, publiée en 1971, M. Zalac explique sa prise de conscience par rapport à la nourriture saine. «Quand je suis descendu du bateau, je ressemblais à une loque: je souffrais d'insomnie, de manque d'entrain et de nervosité.»

Il décide de bannir à jamais le café, la farine blanche, le sucre, les croustilles au profit de produits frais, naturels et biologiques. 

Au fil des ans, il suit une formation en naturopathie à San Francisco et au Mexique. «Stephen aimait donner des conseils aux gens s'ils souffraient de migraines, d'otites ou de grippes à répétition», relate Mme Daneau. 

Son fils, Frédéric, retient une grande leçon de son père. «Il avait des convictions. Il avait presque l'air d'un extraterrestre lorsqu'il remettait en question le modèle de l'agriculture traditionnelle qui utilisait des produits chimiques. Dans le fond, il était en faveur d'une agriculture respectueuse de l'environnement.»

Lors d'un voyage à Vancouver il y a quelques années, Frédéric a emmené M. Zalac dans une épicerie grande surface, entièrement biologique. «Mon père avait l'air émerveillé devant ce magasin qui représentait l'aboutissement de ses efforts pour convaincre la population d'adopter un mode de vie sain. Il a fallu plusieurs décennies avant que cela devienne une tendance à la mode.»

En ce moment, le potager de M. Zalac à Rosemère regorge de légumes frais. Il adorait jardiner. Son travail de naturopathe passait toutefois au premier rang. «Il était en quelque sorte un missionnaire. Il sacrifiait ses fins de semaine jusqu'à tout récemment pour accueillir les gens. C'était toute sa vie», raconte son meilleur ami, le chiropraticien Pierre DesLauriers. 

M. Zalac laisse dans le deuil sa femme Isabelle, ses quatre fils Steve Jr, Claude, Alexandre et Frédéric ainsi que cinq petits-enfants. Ses funérailles ont eu lieu le 21 septembre dernier à Laval.