Melvin Charney, artiste, professeur et architecte montréalais connu mondialement, s'est éteint le 17 septembre à l'âge de 77 ans.

Même si le public ne l'a pas beaucoup connu, l'homme a laissé une empreinte indélébile dans le paysage de Montréal avec l'aménagement du jardin du Centre canadien d'architecture (CCA) et ses sculptures métalliques de la place Émilie-Gamelin.

À Ottawa, son oeuvre Le monument national pour les droits de l'homme, dévoilée par le dalaï-lama en 1990, est la première du monde à être dédiée à cette lutte.

Né à Montréal en 1935, Melvin s'initie très jeune à la photographie avec son père en prenant des clichés du Vieux-Montréal. Puis, il étudie à l'École du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) et en architecture à l'Université McGill avant de poursuivre, en 1959, sa maîtrise à la prestigieuse Université Yale.

Après un séjour de quelques années dans des cabinets de Paris et de New York, M. Charney revient dans sa ville natale. En 1964, il ouvre son bureau à Westmount.

Quatre ans plus tard, l'homme s'engage dans la fondation de l'École d'architecture de la faculté d'aménagement de l'Université de Montréal.

Nommé professeur agrégé en 1966, il crée et dirige la faculté d'aménagement (1968-1972) ainsi que l'Unité d'architecture urbaine (1978-1992). Jusqu'en 1995, son enseignement influencera plusieurs générations d'artistes, d'urbanistes et d'architectes.

Un homme inspirant

«Melvin nous a appris à ouvrir les yeux, à réfléchir, à observer, à comprendre. Exigeant, il nous lançait des défis. Il était grandement inspirant», souligne Dinu Bumbaru, qui dit avoir eu le privilège d'avoir M. Charney comme professeur.

«On lui doit la rue de la Commune telle qu'on la connaît aujourd'hui, réaménagée pour le 350e de la Ville. Avant, ce n'était qu'une voie de circulation», ajoute le porte-parole d'Héritage Montréal.

Dès le début de son travail d'universitaire, M. Charney se montre critique envers l'élitisme de la profession d'architecte. En 1971, il publie Pour une définition de l'architecture au Québec, qui sera traduit dans plusieurs langues.

Phyllis Lambert, directrice fondatrice du Centre canadien d'architecture, était une grande amie de M. Charney. Mme Lambert se rappelle ses longues promenades dans les quartiers de Montréal. «Avant de concevoir une oeuvre à Ottawa ou Sherbrooke, Melvin se rendait sur place afin de comprendre la morphologie de la ville. Il s'inspirait des lieux et rehaussait la signification historique de l'endroit. C'est une des nombreuses leçons qu'il nous laisse.»

Melvin Charney a grandement contribué à la réflexion sur l'aménagement des villes dans les années 70 et 80. Avant les Jeux olympiques de 1976, il propose le projet Les maisons de la rue Sherbrooke. «Entre le centre-ville et le Stade olympique, on trouvait des sculptures temporaires qui ressemblaient à une galerie d'art contemporain», explique Dinu Bumbaru.

L'exposition temporaire Corridart s'installe dans la rue sur un stationnement à l'angle des rues Saint-Urbain et Sherbrooke. Le grand public n'aura jamais l'occasion de voir ces créations. «Toutes les oeuvres de M. Charney ont été démolies par l'administration du maire Jean Drapeau sous prétexte de la sécurité publique», déplore M. Bumbaru.

Réputation mondiale

Le talent de M. Charney est reconnu sur la scène internationale. En 1970, il s'est fait connaître par l'originalité de sa proposition, soit un assemblage de passerelles et d'échafaudages inspiré des silos du port de Montréal, qui a été présentée au Pavillon canadien à l'Exposition universelle d'Osaka.

En 2000, M. Charney expose l'oeuvre de sa vie, Un dictionnaire..., à la Biennale de Venise, des centaines de coupures de journaux qu'il a amassées au fil de sa vie. Au cours de sa carrière, il a reçu de nombreux honneurs, dont le prix Paul-Émile Borduas et le prix Lynch-Staunton en 1996. En 2003, il est nommé chevalier de l'Ordre national du Québec. En 2006, la France l'honore à son tour en le nommant commandeur de l'Ordre des arts et des lettres.

Il laisse dans le deuil sa femme, la romancière, nouvelliste et journaliste Ann Charney, sa fille Dara, son gendre Cameron McKenzie ainsi que deux petits-enfants.