Au cours des dernières semaines, 70 maisons des municipalités riveraines de la rivière Richelieu en Montérégie ont été démolies, car leurs propriétaires n'avaient pas les moyens de les rénover à la suite des dommages subis lors des inondations du printemps dernier.

La famille Trudeau-Dulude a eu le coeur brisé, mercredi dernier, en regardant la pelle mécanique détruire leur demeure de Noyan. Comme si les événements n'étaient pas assez tragiques, le couple a récemment pris la décision de se séparer. Les épreuves des derniers mois ont solidement ébranlé leur amour.

«On reste en bons termes. Mais tout ce qu'on a subi dans les derniers mois... C'était trop», résume Sylvia Dulude, mère de trois enfants.

Mercredi, un entrepreneur a détruit le domicile familial de la rue Ginette. On n'y trouve plus qu'un immense trou de boue entouré de quelques débris. «Durant les premiers coups de pelle, je pleurais. Je me disais que ça n'avait pas de bon sens qu'après tous les efforts qu'on avait mis dans cette maison, tous les bons moments qu'on y avait vécus, ce soit fini», raconte Mme Dulude.

La mère de famille et son conjoint, François Trudeau, avaient travaillé fort pour acheter cette maison. «C'était notre première. Notre petit paradis», dit M. Trudeau. La famille y a habité six ans avant que les inondations ne viennent tout gâcher.

L'eau a causé d'importants dommages au bâtiment, surtout au sous-sol. Les Trudeau-Dulude ont bien tenté de restaurer la maison. Avec l'aide de bénévoles, ils ont refait le plancher de la fondation l'été dernier. M. Trudeau a quitté son emploi de mécanicien pour avancer les travaux dans l'espoir de terminer avant la rentrée scolaire. Puis l'ouragan Irene a frappé en août, endommageant sérieusement les étages supérieurs. La liste des travaux à accomplir s'est allongée.

«Dur pour tout le monde»

Parce que la maison était contaminée depuis les inondations, la famille s'était réfugiée dans une petite roulotte dans un camping voisin. La solution devait être temporaire. Mais les mois se sont écoulés. Les réponses sur l'avenir de la propriété des Trudeau-Dulude arrivaient au compte-gouttes. Redoutant l'arrivée de l'hiver, M. Trudeau a loué un cinq et demi à Lacolle. La famille y est toujours.

«Le processus a été vraiment long. On a été évacués de notre maison le 28 avril 2011. On a su qu'on devrait la démolir en octobre. On vient juste de le faire. Imaginez les délais!», illustre M. Trudeau.

C'est parce que les dommages subis à la maison étaient trop grands que les Trudeau-Dulude ont dû se résigner à la détruire. Il était impossible de la rénover avec le budget de 150 000$ que lui donnait le gouvernement. La maison voisine de celle des Trudeau-Dulude doit elle aussi être démolie dans les prochaines semaines. En tout, à Noyan, une douzaine de maisons ont été détruites et d'autres le seront encore. «Ça va être dur pour tout le monde. On voit notre rêve partir en ruine...», dit M. Trudeau.

Peu avant Noël, la famille Trudeau-Dulude avait reçu une offre alléchante de Notre-Dame-de-la-Merci l'invitant à s'installer dans la municipalité. L'ambiance était à la fête. M. Trudeau s'était trouvé un emploi dans ce secteur et avait trouvé des propriétés intéressantes. Mais récemment, il a appris que la banque refuse de lui prêter de l'argent. «Je dois avoir eu un emploi stable depuis deux ans. Mais je l'ai quitté après les inondations. Je ne suis pas admissible», dit-il. C'est donc un retour à la case départ pour la famille. Et une épreuve de plus qui a fini par briser le couple.

Maintenant que la maison est démolie, M. Dulude espère poursuivre sa vie sereinement. Il se concentrera sur son nouvel emploi, qui commence aujourd'hui. Quant à Mme Dulude, elle organise son déménagement. «Je vais m'installer à Iberville», dit-elle. Mais pas question pour elle de travailler. Il y a deux ans, Mme Dulude a subi un grave accident de travail: elle s'est scié une main en deux dans l'usine où elle travaillait. Depuis, elle vit un choc post-traumatique. Et malgré les nombreuses séances d'ergothérapie, sa main reste fortement hypothéquée. «Je ne sais pas comment j'ai fait pour passer au travers des derniers mois. Maintenant, il faut essayer de continuer», souffle-t-elle.

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L'aide aux sinistrés en chiffres

Dossiers traités : 2291

Dossiers réglés : 2182

Familles toujours évacuées : 8

Maisons à reconstruire : 56

À démolir : 67

À déplacer : 2

À immuniser : 16

Total des sommes dépensées : 47,1 millions

Source : ministère de la Sécurité publique