Le chaos régnait à l'Assemblée législative de l'Ontario, mercredi, alors que des manifestants et une bonne partie des députés de l'opposition ont été expulsés pour avoir perturbé les efforts du gouvernement progressiste-conservateur visant à faire adopter coûte que coûte un projet de loi qui réduirait de près de moitié la taille du conseil municipal de Toronto.

La Cour supérieure avait invalidé cette mesure lundi matin. Le juge a soutenu que cette décision, appliquée en pleine campagne électorale municipale, violait le droit des candidats et des électeurs à la liberté d'expression - un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

Des manifestants ont bruyamment interpellé Doug Ford à l'Assemblée législative alors que le premier ministre de l'Ontario défendait sa décision d'invoquer la disposition de dérogation, une première dans la province.

Certains citoyens ont été menottés avant d'être escortés à l'extérieur, tandis que M. Ford tentait de faire valoir qu'il protégeait la démocratie en ayant recours à cette clause constitutionnelle pour contourner la décision de la cour.

« Il s'agit de préserver la volonté du peuple et de préserver la démocratie », a-t-il dit en faisant référence à la victoire de son Parti progressiste-conservateur lors des élections provinciales au printemps dernier.

Lorsqu'on lui a demandé s'il croyait en la Charte des droits et libertés, M. Ford a répondu qu'un gouvernement élu démocratiquement ne devrait pas être entravé par un juge « nommé politiquement ».

Le premier ministre ontarien veut faire passer le nombre de conseillers municipaux à Toronto de 47 à 25 par souci d'efficacité et d'économie, alors que les élections doivent avoir lieu le 22 octobre.

Les néo-démocrates expulsés

Le projet de loi pour réduire la taille du conseil municipal torontois a été déposé mercredi dans le vacarme. Les élus de l'opposition néo-démocrate ont tenté d'enterrer la lecture du texte en tapant sur leurs bureaux, ce qui a poussé le président de l'Assemblée à expulser de la chambre la plupart des députés de ce parti, dont leur chef.

La chef néo-démocrate, Andrea Horwath, a signalé que ses troupes avaient utilisé cette tactique pour démontrer qu'elles n'allaient pas accepter l'approche « autoritaire » de Doug Ford.

Contrairement à l'ex-premier ministre Brian Mulroney, le chef des conservateurs fédéraux, Andrew Scheer, s'est bien gardé de critiquer l'usage de la disposition de dérogation par le gouvernement Ford.

« Je laisse le premier ministre de l'Ontario prendre ses décisions. C'est un enjeu qui est de toute évidence de compétence provinciale », a-t-il dit en évitant de prendre position.

Les critiques ont condamné le recours à cette mesure exceptionnelle, affirmant que la disposition de dérogation n'avait pas été conçue pour traiter ce genre de problème.

Le maire de Toronto, John Tory, a soutenu que le gouvernement provincial « outrepassait de façon flagrante » ses pouvoirs.

Le chef du Parti vert, Mike Schreiner, estime que le premier ministre Ford semble croire que, s'il remporte une majorité aux élections, il peut se placer au-dessus des lois. « Le premier ministre ne peut s'attaquer à nos droits fondamentaux garantis par la Charte pour réaliser un gain politique, a-t-il soutenu mercredi. Il amène à Queen's Park une vision dangereuse de la démocratie, une vision qui se fonde sur sa conviction qu'il peut gouverner par décret. »

Le gouvernement Ford veut aussi obtenir une injonction pour suspendre la décision de la Cour supérieure le temps d'interjeter appel.

Les élections municipales en Ontario auront lieu le 22 octobre, dans moins de six semaines.