Les résultats de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées pourraient s'avérer décevants pour les familles qui ont perdu un proche, et ce, même si la commission a six mois de plus pour terminer son travail, a prédit la présidente de Femmes autochtones du Québec (FAQ), Viviane Michel.

«Les familles veulent des réponses, elles n'auront pas de réponses. On ne pourra pas entendre le policier qui a reçu la plainte, on ne pourra pas entendre ce qu'il a fait après. Est-ce qu'il a mis le dossier de côté ou il l'a remis à quelqu'un?», a soutenu Mme Michel, lors d'une conférence devant quelques dizaines de personnes à Montréal.

La présidente de FAQ doute que les commissaires aient le temps de creuser davantage l'aspect juridique de l'enquête d'ici quelques mois. Selon elle, la commission d'enquête aurait dû se concentrer sur les témoignages des autorités, avant d'entendre les familles éplorées.

«Les balises n'ont pas été bien établies. Ça a commencé à l'envers», a-t-elle expliqué en mêlée de presse après la conférence.

Ce n'est pas les premières critiques de Viviane Michel à l'égard de cette commission d'enquête, qui a été affectée depuis deux ans par plusieurs départs et remises en question.

En mars, Mme Michel avait demandé la suspension de l'enquête pour qu'elle puisse «se réorganiser et se pencher sur les dossiers des familles», et assumer pleinement son mandat juridique. Son organisation avait aussi déploré la prolongation de six mois de l'enquête, alors que les commissaires avaient réclamé deux années supplémentaires au gouvernement fédéral.

La présidente de FAQ ne semble pas optimiste quant aux recommandations que pourra offrir la commission d'enquête dans ce contexte.

«On aurait eu des bonnes recommandations si on avait »focussé« sur l'aspect (juridique). Pour FAQ, il faut rétablir le système de justice, faire application du travail qui doit se faire en cas de disparition ou de dénonciation», a-t-elle indiqué.

«On n'a pas entendu les personnes concernées.»

Les commissaires de l'enquête nationale s'étaient quant à eux dits «profondément déçus» de la courte prolongation qui leur avait été accordée, ajoutant qu'ils allaient devoir prioriser leurs dossiers afin de rendre leur rapport en avril 2019.

«L'Enquête nationale ne sera pas en mesure de mener des audiences institutionnelles ou des audiences d'experts et de Gardiens du savoir régionales, qui auraient permis une analyse régionale de ces enjeux», avait alors déclaré la commissaire Qajaq Robinson dans un communiqué.

«Il nous reste beaucoup à faire. Nous sommes très déçus de voir que le gouvernement ne considère pas cela suffisamment important pour accorder une prolongation de 24 mois», avait conclu la commissaire en chef, Marion Buller.

Déception sur Kanata

Lors de cette conférence à la nouvelle maison de la culture de Verdun, Viviane Michel s'est aussi dite déçue des développements de la récente controverse sur la pièce Kanata, qui sera présentée à Paris prochainement.

La femme de théâtre française Ariane Mnouchkine et le metteur en scène Robert Lepage ont rencontré jeudi dernier des groupes autochtones qui déploraient qu'aucun représentant des Premières Nations ne participe à la pièce, qui traite des relations avec les Blancs et les Autochtones.

Mme Michel n'est pas satisfaite du dénouement, puisqu'aucun Autochtone ne sera finalement inclus dans la pièce.

«On a des comédiens, on a des acteurs autochtones qui sont assez expérimentés, on a des producteurs autochtones, des réalisateurs. On peut travailler ensemble», a-t-elle soutenu.

Elle croit que les producteurs auraient dû consulter les groupes autochtones avant de concevoir leur spectacle.